Soigne ton gauche

de René Clément |
avec J. Tati, Paul Demange, etc.


Le scénario de «Jour de fête», premier long-métrage de Jacques Tati fut réécrit plusieurs fois – la première ébauche date de 1945. Tati souhaitait à la fois parfaire son court-métrage «L’école des facteurs» et expérimenter son idée très personnelle du son. Grâce à René Wheeler, scénariste chevronné, il parvint à ses fins en intégrant la tournée accélérée de son facteur dans le cadre d’une foire au village qui va lui fournir le fond bruyant adéquat. Il faut avoir vu (et entendu) «L’école des facteurs» (qui repose encore sur le dialogue) pour saisir pleinement l’aspect le plus novateur de «Jour de fête». Dans un geste radical, Tati inverse la perspective sonore traditionnelle (héritée du théâtre), en considérant le dialogue comme un bruit de fond, tout en ramenant les bruits de fond au premier plan. Cette inversion rompt avec la psychologie et donne la primauté à la vision et à l’écoute et, partant, à la pure description – c’est pour cette raison que Tati aura de moins en moins besoin d’«histoires» pour pratiquer son art. Si elle n’avait pas été jouée sur le mode comique, cette «révolution» n’aurait jamais sans doute passé la rampe. A l’initiative de Fred Orain, son associé, Tati expérimenta aussi le «Thomsoncolor», premier procédé en couleur de fabrication française, qui fut davantage une escroquerie qu’un succès technique, vu que le laboratoire se révéla incapable de tirer une copie. Par chance, Tati, un peu méfiant, avait «doublé» toutes les scènes avec une caméra noir et blanc. En 1995, Sophie Tatischeff, la fille du cinéaste, réussit enfin à remédier au problème…
1947, France, noir et blanc, 18min, programme n°108