A voir vendredi 17 mars 2017 à 9h05 sur RTS Un |
Genre classique hollywoodien par excellence, le western prend un coup de vieux au tournant des années 1960. Le cinéma se modernise – les tenants des Nouveaux cinémas rencontrent un écho grandissant – en parallèle à la société américaine: les Trente Glorieuses permettent au citoyen de la classe moyenne d’acquérir une automobile, un téléviseur, une villa en banlieue. Sur la selle de son cheval, Jack (Kirk Doulgas) expérimente le choc d’une modernité qu’il refuse. Habituée des steppes et des montages, sa monture panique sur le bitume, entourée du vrombissement des moteurs. Jack est une relique de la ruée vers l’Ouest, au même titre que le western, forcé de constater que son âge d’or est révolu.
«Seuls sont les indomptés» repose entièrement sur le clivage entre tradition et modernité. Les séquences où le cow-boy est en prise avec un hélicoptère qui le traque dans la montagne sont d’une beauté sidérante. Jack est poursuivi par les forces de l’ordre pour s’être évadé de prison. Il avait prémédité son incarcération pour aider son ami Paul à se faire la malle. Or celui-ci refuse, préférant purger sa peine pour avoir fait passer des Mexicains aux Etats-Unis, en garantie d’une vie tranquille à sa sortie, avec sa femme Jerri (ravissante Gena Rowlands, dont c’est le quatrième film). Là encore, le cow-boy indompté et solitaire, comme le titre l’indique, est confronté à son «successeur»: le mari de la classe moyenne, qui aspire à une existence paisible, au confort moderne…
Tant Jerri, son ancienne amante avant qu’elle n’épouse Paul, que le shérif Walter, qui doit le pourchasser, portent sur Jack un regard emprunt d’une profonde nostalgie. Il incarne l’Amérique première, celle qui a donné tant de héros au western et qui est en voie de disparition. Cette terrible nostalgie transparaît magnifiquement dans la réalisation de David Miller et Krik Douglas. L’acteur, qui officie comme coréalisateur, dira au sujet de cette oeuvre-charnière qu’il s’agit de son meilleur film.
Lonely Are the Brave
de David Miller
Etats-Unis, 1962, 1h47