Sennentuntschi

A voir mardi 28 mars 2017 à 23h15 sur RTS Deux |

Le quatrième long-métrage de Michael Steiner a failli ne jamais voir le jour. Mis en péril par une gestion approximative, le premier film d’horreur assumé comme tel de l’histoire du cinéma suisse a été renfloué in extremis par un apport de fonds allemands. Tant mieux pour le spectateur, car il s’agit d’une vraie réussite, certes boudée par l’honorable académie des Quartz, mais appréciée par le public suisse allemand qui s’est déplacé en masse, avec près de 140’000 entrées comptabilisées. La filmographie de ce réalisateur ambitieux originaire de Nidwald tranche sur le commun de la production helvétique, encore très marqué par le film d’auteur. Steiner se pique en effet de faire du cinéma de genre, sans perdre pour autant le lien avec la culture nationale. Après le trépidant «Je m’appelle Eugen» (2005) d’après un livre culte pour la jeunesse alémanique des années cinquante, et «Grounding» (2006), thriller économique exploitant le traumatisme causé par la disparition de Swissair, il détourne aujourd’hui le bon vieux «Heimatfilm» sur des chemins peu recommandables.

La légende court la montagne depuis des siècles, mais le cinéaste l’ancre dans un passé récent, en 1975 pour être précis, une époque, où une tradition pesante et le refoulement que cela implique, ne favorise guère la bonne santé mentale… Le jour de l’enterrement du sacristain d’un village grison, que l’on a retrouvé pendu dans l’église, une jeune vagabonde fait son apparition. Au même moment, c’est du moins ce que la consécution des séquences laisse accroire, Martin le Fribourgeois est engagé dans un alpage pour seconder un père et son fils muet. Besoins sexuels obligent, les trois hommes se fabriquent alors une «sennentuntschi», un équivalent agreste et sommaire de la poupée gonflable. A force d’être prise et reprise, la pauvre va prendre vie, animée par un désir de vengeance impérieux… S’appuyant sur un scénario jouant habilement du hiatus temporel, Steiner se livre alors à un jeu d’une ironie massacrante, dégommant les soi-disant valeurs authentiques du terroir ! Plus jouissif que réellement effrayant!

de Michael Steiner
Suisse, 2010, 1h40