A voir dimanche 10 janvier 2016 à 23h05 sur RTS Deux |
Après Rimbaud, Che Guevara, Matisse, Frisch, Aragon et tant d’autres, Richard Dindo aborde le «mystère» Kafka. En faisant jouer par des acteurs les rôles des personnes qui l’ont le mieux connu, le cinéaste biographe honore un écrivain qu’il considère comme un demi-frère. Comme toujours chez Dindo, toutes les phrases prononcées dans le film sont authentiques, provenant des correspondances que les protagonistes ont entretenues avec l’auteur de «La métamorphose», seul écrivain, avec Rabelais, à avoir engendré un adjectif mentionné dans le dictionnaire (kafkaïen).
Non sans obstination, le cinéaste perfectionne et approfondit toujours plus sa «méthode» à nulle autre pareille. Le réalisateur de «Dani, Michi, Renato & Max» (1987) part toujours d’abord de l’autobiographie du personnage qu’il désire faire revenir… Ce dernier est le plus souvent mort, disparu, en tout cas absent. Le travail du cinéaste consiste alors et en quelque sorte à le ressusciter, mais à travers le filtre des personnes qui l’ont le mieux connu et dans les lieux mêmes où il a vécu.
Appliquée à Kafka, sa méthode produit un résultat remarquable. Faisant jouer par des acteurs les rôles des amis proches, tels Max Brod, Milena Jesenska, Felice Bauer ou Dora Diamant, Dindo leur fait dire des extraits de la correspondance qu’ils entretenaient avec l’auteur du «Procès». Comme pour ses autres films, le spectateur doit alors faire face à l’énigme fascinante de l’altérité que dévoile tout acte de remémoration. Avec Kafka, qui mieux que personne a su décrire le phénomène de dépersonnalisation inhérent à toute société moderne, cette énigme acquiert une dimension vertigineuse.
de Richard Dindo
Suisse, 2006, 1h40