A voir vendredi 6 janvier 2017 à 20h50 sur RTS Un |
Désormais incarné par le terrassant Daniel Craig, l’agent 007 poursuit sa mue spectaculaire. Ivre de vengeance, il s’humanise de terrible manière devant la caméra du cinéaste suisse Marc Forster. Avis aux nostalgiques de l’espionite élégante, James Bond n’est plus ce qu’il était. Mais il n’est pas sûr que l’on perde au change! Depuis 1962, l’agent au service de sa Majesté rétablissait avec un flegme très britannique l’équilibre géopolitique mis en péril par des méchants idéologues de tout poil. Même s’il cédait souvent à l’appel de la chair, 007 faisait preuve en toute circonstance d’un sens du devoir indéfectible. Cette époque rassurante est révolue.
La métamorphose coïncide avec l’apparition ravageuse de Daniel Craig, sixième acteur à endosser l’identité de Bond, succédant aux Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton et Pierce Brosnan. Entre nous, ce nouveau pli était déjà pris avec «Casino Royale» (2006) où Craig, mis à rude à épreuve, affichait des stigmates inconnus de ses prédécesseurs, brûlant surtout d’un amour sincère pour une belle qui le trahissait avant de mourir dans un palais vénitien dévasté. D’emblée, le numéro vingt-deux de la série transgresse un des principes de la saga née de la plume de Sir Ian Fleming en s’inscrivant comme une suite directe à «Casino Royale», du jamais vu, dans le sens où, naguère, chaque film valait pour lui-même. Cette consécution a le don d’inscrire «Quantum of Solace» («un minimum de consolation») dans une perspective obsessionnelle inédite.
Pleurant la mort de la sublime Vesper, Bond devient pure vengeance, entièrement voué à la réalisation de son dessein, au risque de se faire désavouer par sa hiérarchie qui ne goûte guère cette personnalisation pour le moins excessive de sa mission. Ce traumatisme fait accéder ce héros désormais peu fréquentable à une contemporanéité brutale, dénué ou presque de tout second degré, qui tranche avec les civilités cyniques des épisodes antérieurs. Crânement, le réalisateur des «Cerfs-volants de Kaboul» (2007) contribue à cette épure en éliminant impitoyablement gadgets et accessoires high-tech. Il joue dès lors son va-tout sur la présence nue de son protagoniste, à laquelle Craig, acteur prodigieux, confère une intensité peu commune.
de Marc Forster
Etats-Unis/Grande-Bretagne, 2008, 1h47