One + One

A voir lundi 21 octobre 2013 à 0h25 sur France 2 |

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A la fin du joli mois de mai 1968, après avoir contribué avec Truffaut, Lelouch et Berri à l’implosion de la 21e édition du Festival de Cannes, Jean-Luc Godard file à Londres filmer les Rolling Stones qui enregistrent la chanson «Sympathy For The Devil», appelée à figurer sur «Beggars Banquet», leur album le plus mythique (dans un premier temps, Godard s’est adressé aux Beatles, mais ces derniers se sont désistés). Le réalisateur de «Week-end» (1967) vit alors sa grande période militante imprégnée d’un maoïsme de saison. Pince-sans-rire, JLG prouve qu’il est impossible de juxtaposer (one + one) pour les fusionner certains éléments parce qu’ils sont irréductibles entre eux, comme par exemple un membre des Black Panthers et une femme blanche romantique, ou un groupe rock qui blanchit le blues des Noirs opprimés et un cinéaste radical, autrement dit Godard + les Stones.

Le film «additionne» donc des séquences de répétition et des saynètes de «fiction théorique» tournées en mode brechtien. Ainsi, l’un des producteurs du film lit «Mein Kampf» dans un sex-shop, les Black Panthers fusillent des femmes blanches en déclamant les pensées de leur leader Eldrige Cleaver, Anne Wiazemski, alors mariée à Godard, répond par oui ou par non aux questions stupides d’une équipe de télévision, quelqu’un lit en off des extraits d’un roman pornographique…

Revu aujourd’hui, «One + One» apparaît surtout comme un formidable document sur une époque, absolument indispensable pour comprendre comment l’économie de marché a su digérer les ferments et slogans de Mai 68, pour nous aliéner encore plus. Pour la petite histoire, JGL s’est battu avec son producteur le soir de la première à Londres. Iain Quarrier (c’est lui qui lit «Mein Kampf» dans le film) avait remonté le film à l’insu de son auteur, de manière à pouvoir faire entendre en entier et deux fois la chanson des Stones, alors que Godard s’en était bien gardé, dans l’idée de frustrer tous les fans des Pierres qui roulent… Pendant près de dix ans, JLG va tourner ces «tracts» cinématographiques, souvent stimulants dans leurs recherches formelles, malgré la doctrine marxiste-léniniste qui leur sert de fondement. En 1979, Godard reviendra définitivement avec «Sauve qui peut (la vie)» au cinéma, au mystère et à la poésie…

de Jean-Luc Godard
Grande-Bretagne, 1968, 1h44