A voir lundi 10 août 2015 à 1h55 sur Arte |
Après l’épopée tétraplégique («Aaltra»), le kidnapping canin («Avida») et la dénonciation de l’obscénité capitaliste («Louise-Michel»), Benoît Delépine et Gustave Kervern s’attaque à la réforme des retraites, enfin presque… Comme dans leurs films précédents, le tandem issu de Groland commence sa diatribe avec une séquence d’anthologie qui voit Serge Pilardosse (Gérard Depardieu) faire ses adieux à l’entreprise d’équarrissage porcin où il achève sa «vie active». Pour le remercier de ses bons et loyaux services, la direction lui offre généreusement un dernier pot miteux dans une ambiance glauque à mourir. D’emblée, le spectateur s’en veut de rire, mais y est forcé, tant l’ironie des cinéastes fait mouche!
Le pas lourd, cet homme déjà défait revient chez lui où l’attend Catherine (Yolande Moreau), caissière dans le supermarché du coin. Précaire, ce couple pas très causant craint pour sa survie pécuniaire, à raison! Convoqué à la caisse de pension, Serge se voit sommer de fournir les fiches de salaires de ses anciens employeurs, condition sine qua non pour toucher une retraite de toute manière indécente. Sans mot dire, il va alors débâcher sa moto qui croupit dans le garage depuis trois décennies. Les connaisseurs la reconnaîtront à coup sûr! Il s’agit d’une Münch 4 TTS-E 1200, surnommée la «Mammuth». Serge en a d’ailleurs hérité le sobriquet au gré d’une «subtile» métonymie seyant parfaitement au corps massif (pour ne pas dire monstrueux) de Depardieu. Enfourchant cette antiquité allemande, notre protagoniste prend la route pour tenter de récupérer les papiers qui lui manquent. S’ensuit un «road-movie» provincial ponctué de rencontres désolantes et pitoyables (Dick Annegarn, Benoît Poelvoorde, Anna Mouglagis) qui disent à merveille la dévastation qui a frappé notre modèle social.
Parfois, la présence littéralement fantomatique d’Isabelle Adjani (en ancienne amoureuse) accompagne la dérive du Mammuth. La gorge serrée, le cinéphile se souvient que l’actrice formait avec Depardieu dans «Barroco» (1976) d’André Téchiné l’un des plus beaux couples du cinéma romanesque français. Et le film de devenir vraiment terrible!
de Gustave Kervern & Benoît Delépine
France, 2010, 1h32