A voir vendredi 17 février 2017 à 19h30 sur France 4 |
Jeffrey Katzenberg, responsable du secteur animation de la toute-puissante Dreamwork qu’il a fondée en octobre 1994 avec ses compères David Geffen et Steven Spielberg, peut avoir le sourire. Le démarrage américain de «Madagascar» est plus que fulgurant, dépassant allégrement les pourtant redoutables «Sith» de Georges Lucas… Ne nous laissons pas leurrer par cette statistique qui comble certes d’aise l’ex-mentor des Studios Disney, mais n’en constitue pas pour autant un gage de qualité! Pour tout dire, «Madagascar», ce n’est pas encore le Pérou, bien que certains signes d’amélioration soient perceptibles, surtout comparé à l’insipide «Gang de requins» (2004). De fait, nous sommes encore très éloignés de l’excellence de Pixar qui demeure toujours la référence en matière d’animation numérique.
Pensionnaires choyés du zoo de Central Park, le lion Alex, le zèbre Marty, la girafe Melman et l’hippopotame femelle Gloria s’offrent une petite virée nocturne et clandestine dans New York, à l’invitation d’un quatuor de pingouins de très mauvais conseil. Nos mammifères payent cher leur escapade! Envoyés par cargo à l’autre bout du monde, Alex et trois ses camarades sont promis à une bien triste fin de carrière. Très prisés par les scénaristes du film, les pingouins sardoniques, qui sont aussi du voyage, s’en mêlent derechef et balancent la cargaison à la mer. Plus ou moins bon nageurs, nos héros à poil parviennent à rallier le rivage d’une île d’aspect paradisiaque. L’idée de retourner à la vie sauvage est loin de leur déplaire. Bien évidemment, la réalité de ce retour se révèlera un brin moins chatoyante, nos quatre «rousseauistes» d’occasion se montrant bien trop froussards pour vraiment goûter à leur liberté retrouvée. On l’aura compris, la morale de l’histoire est plus que douteuse, dans le sens où elle jette le soupçon sur l’idée d’émancipation et célèbre les pauvres vertus de l’aliénation. Cette frilosité post-11 septembre est regrettable, surtout en regard du (très jeune) public cible visé par Katzenberg et Cie!
Heureusement, l’entreprise s’avère plus réussie sur les plans technique et esthétique. Alternant ou mêlant la 2D (deux dimensions) d’inspiration très «cartoonesque» et la 3D (trois dimensions) dans l’air du temps, les réalisateurs sont parvenus à numériser un hybride passionnant. Visiblement, les décors de l’île sont inspirés du Douanier Rousseau (1844-1910), dans leur manière d’abolir la perception spatiale et de favoriser une appréhension bidimensionnelle de l’espace. Idem pour le traitement de la couleur, qui emprunte à l’irréalisme bariolé du peintre de la «Forêt vierge au coucher du soleil». Ce retour à une forme archaïque, naïve, pour décrire l’univers où lion, zèbre, girafe et hippopotame espèrent renouer avec leur ancienne condition de bêtes sauvages, est formellement très audacieuse, même si l’aventure finit par tourner en eau de boudin réactionnaire!
de Eric Darnell & Tom McGrath
Etats-Unis, 2005, 1h26