A voir dimanche 8 décembre 2013 à 0h10 sur France 3 |
Avec le recul, Orson Welles demeure un génie incontournable, mais n’est plus une énigme. Comme tout commun des mortels, il apparaît désormais comme le produit, certes complexe, de son époque. Glorieusement défait dans son projet un brin prométhéen de rendre le cinéma à sa soi-disant vocation première, celle d’être un art expérimental, Welles rejoint le club, très relevé, des créateurs qui brillent de leur éclat à l’instant où l’histoire des formes bascule et change de paradigme. Songeons à Rimbaud, Manet, Henry James, Mahler…
Alors qu’Hollywood a parachevé la taylorisation de la production cinématographique, Welles est l’un des rares auteurs américains, sinon le seul, à avoir tenté de restaurer la souveraineté de l’artiste, en faisant valoir à nouveau la prééminence de la forme dans la représentation. Las, il n’a pu tourner qu’un seul film à l’intérieur du système («Citizen Kane» en 1941), avant d’être stoppé par l’establishment hollywoodien qui avait senti le danger. Banni des grands studios, il a erré de par le monde, bricolant de-ci de-là une douzaine d’œuvres sublimes, qui suffisent à notre bonheur, malgré leur incomplétude.
Homme de théâtre avant tout, Orson Welles adapte pour le cinéma Macbeth de Shakespeare, douze ans après l’avoir monté sur les planches new-yorkaises, et travaille une dernière fois au sein d’une industrie américaine qui n’a jamais cherché à le ménager. Détenant les pleins pouvoirs, le cinéaste tourne son film en studio avec des moyens dérisoires et profite de l’artificialité des décors pour apporter une plus-value onirique à la forme. Ajoutant à cela une surenchère d’expressions cinématographiques (travelling, gros plans, contre-plongée), il génère un objet singulier, à mi-chemin entre le cinéma et le théâtre filmé, entre l’expressionnisme allemand et le film noir américain. Bien entendu, Welles interprète lui-même Macbeth, ce personnage-miroir d’un autre temps pourtant en proie à la même fulgurance et aux mêmes déconvenues.
de Orson Welles
Etats-Unis, 1948, 1h47