Les Innocents

A voir lundi 20 octobre 2014 à 13h30 sur Arte |

les-innocents_WEB

Né en 1943, originaire de ce Sud-Ouest où il a situé l’action du film qui l’a révélé en 1975 («Souvenirs d’en France»), André Téchiné appartient à la génération très particulière des cinéastes, qui, tels Jean-Marie Straub, Jean Eustache, Philippe Garrel, Gérard Blain ou Jacques Doillon, ont eu fort à faire pour guérir des belles espérances engendrées par Mai 68. Certains ont tiré leur révérence de manière dramatique (Eustache), d’autres ont en réchappé en empruntant des voies artistiques radicales souvent passionnantes (Straub, Garrel, Blain). Téchiné, comme Doillon, a préféré jouer au Cheval de Troie en essayant d’introduire des films retors au sein du cinéma mainstream. Doillon a tenté le coup sur un mode désinvolte et très joueur. En activité depuis 1969, Téchiné n’a pas cette sérénité.

A l’instar de Truffaut, il croit possible de renouer avec les grands récits classiques, tout en n’abdiquant jamais l’esprit de modernité qui l’habite. Cette ambition, qui l’oblige à se coltiner des budgets conséquents et de grandes vedettes, a souvent débouché sur des insuccès douloureux – notamment «Hôtel des Amériques» (1981) avec Patrick Dewaere et Catherine Deneuve, et «Les Sœurs Brontë» (1979) avec le trio Huppert, Adjani et Deneuve à nouveau. En rage on l’imagine, Téchiné se remet toujours en santé en tournant de «petits» films âpres, peu coûteux et tournés avec des acteurs peu connus, des films à la fois réalistes, romanesques et sensuels, comme «J’embrasse pas» (1991), «Les Roseaux sauvages» (1994) ou «Loin» (2001), dans lesquels on retrouve ses thèmes les plus chers: l’homosexualité, parfois latente, l’ambiguïté, l’obsession, l’amour ou le sexe.

En 1987, le cinéaste revisite la tragédie grecque dans «Les Innocents». Jeanne (Sandrine Bonnaire) se rend à Toulon, dans le Sud de la France, pour assister au mariage de sa sœur et passer du temps avec Alain, son petit frère sourd-muet. Elle y rencontre Saïd (Abdellatif Kechiche), l’amant de Klotz (Jean-Claude Brialy), un chef d’orchestre désabusé, qui a du mal à contenir son fils Stéphane (Simon de La Brosse), converti aux idées de l’extrême droite. Jeanne assiste alors impuissante au drame qui se joue entre ces deux jeunes hommes, écho mortifère d’un fait divers qui secouait la région quelque temps auparavant…

Dans un paysage de carte postale, André Téchiné réalise une passionnante histoire d’amour(s), jouée sur fond de haine raciale. Intéressé par le poids de la fatalité, le cinéaste croise les trajectoires de ses personnages, dont les tourments intérieurs sont superbement illustrés par des mouvements de caméra incessants, caractéristiques de leur auteur.

de André Téchiné
France, 1987, 1h36