A voir mardi 12 mai 2015 à 13h35 sur Arte |
Né en 1943, originaire de ce Sud-Ouest où il a situé l’action du film qui l’a révélé en 1975 («Souvenirs d’en France»), André Téchiné appartient à la génération très particulière des cinéastes, qui, tels Jean-Marie Straub, Jean Eustache, Philippe Garrel, Gérard Blain ou Jacques Doillon, ont eu fort à faire pour guérir des belles espérances engendrées par Mai 68. Certains ont tiré leur révérence de manière dramatique (Eustache), d’autres ont en réchappé en empruntant des voies artistiques radicales souvent passionnantes (Straub, Garrel, Blain). Téchiné, comme Doillon, a préféré jouer au Cheval de Troie en essayant d’introduire des films retors au sein du cinéma «mainstream» (dominant)…
Cette ambition, qui l’obligeait à se coltiner des budgets conséquents et des grandes vedettes, a souvent débouché sur des insuccès douloureux – surtout «Hôtel des Amériques» (1981) avec Patrick Dewaere et Catherine Deneuve. En rage, on l’imagine, Téchiné s’est vite remis en santé en tournant des «petits» films âpres, peu coûteux et tournés avec des acteurs peu connus, comme le sublime «Les Roseaux sauvages» (1994).
Avec «les Egarés», Téchiné tente une synthèse audacieuse entre ses deux tendances, alliant le naturalisme cru des «petits» films aux grands élans romanesques des œuvres ambitieuses… En juin 1940, c’est la débâcle. Les Parisiens fuient vers le Sud et envahissent les routes de campagne. Une institutrice et ses deux enfants sont pris en charge par un adolescent inconnu, très débrouillard, qui les entraîne dans une villa abandonnée, au milieu d’une clairière. Ils s’y installent et, petit à petit, y font leur nid, tels une famille de Robinson sur une île déserte.
Ces égarés de l’existence nous content alors l’histoire tragique d’une drôle de famille recomposée dans un espace hors du temps et de la réalité. En résulte un émouvant récit d’apprentissage très bien rendu par une mise en scène sensible et des acteurs d’exception.
de André Téchiné
France, 2003, 1h35