Le Procès

A voir jeudi 16 février 2017 à 23h25 sur TV5 Monde |

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Alors qu’Hollywood a parachevé la taylorisation de la production cinématographique, Welles est l’un des rares auteurs américains, sinon le seul, à avoir tenté de restaurer la souveraineté de l’artiste, en faisant valoir à nouveau la prééminence de la forme dans la représentation. Las, il n’a pu tourner qu’un seul film à l’intérieur du système («Citizen Kane» en 1941), avant d’être stoppé par l’establishment hollywoodien qui avait senti le danger. Banni des grands studios, il a erré de par le monde, bricolant de-ci de-là une douzaine d’œuvres sublimes, qui suffisent à notre bonheur, malgré leur incomplétude.

Retrouvant toutes ses prérogatives de réalisateur indépendant grâce aux frères Salkind, deux producteurs prêts à financer le film à condition que Welles n’écrive pas un scénario original, il réalise «Le Procès» sans que personne ne vienne entraver sa vision. Adapté de l’œuvre homonyme de Franz Kafka, le récit évoque l’histoire de Joseph K, un homme ordinaire inculpé pour des raisons qu’il ignore. Au fil de son enlisement dans une justice opaque, il se résigne et se laisse peu à peu engloutir par un système qui ne lui laisse aucune porte de sortie.

L’ampleur de la tâche ne semble pas avoir effrayé Welles qui, jouissant d’une liberté créatrice totale, est parvenu à donner une dimension toute personnelle à son modèle littéraire. Usant d’une esthétique radicale, faite de contre-plongées, de travellings, de noir charbonneux et de blanc immaculé, le cinéaste a su traduire l’univers anxiogène de l’écrivain en livrant rien de moins que l’alter ego formel de ce cauchemar éveillé absolument intemporel.

The Trial
de Orson Welles
Italie / Allemagne de l’Ouest / France, 1962, 1h58