A voir lundi 22 août 2016 à 22h35 sur Arte |
Conte de fées horrifique plutôt destiné aux adultes, «Le Labyrinthe de Pan» a été l’un des grands oubliés du Festival de Cannes 2006. Ancien étudiant en effets spéciaux, vouant une prédilection pour les masques, le Mexicain Guillermo del Toro est un cinéaste de genre comme on les aime, un véritable contrebandier du film fantastique, qui passe en douce ses visions d’auteur. Dès 1993, il marque les esprits avec un renouvellement astucieux de la figure épuisée du vampire («Cronos»). En 2001, ce passeur des plus rusés amalgame brillamment épouvante et mémoire historique en tournant en Castille «L’Echine du diable» qui entretient plus d’un point commun avec «Le Labyrinthe de Pan». Sa réputation grandissante va jusqu’à séduire Hollywood qui l’autorise à contaminer des blockbusters comme «Blade 2» (2001) et «Hellboy» (2003). Son expérience américaine lui inspire pourtant un sentiment mélangé. Del Toro dédaigne les ponts d’or hollywoodiens pour revenir en Espagne concrétiser le projet du «Labyrinthe» qui le hante depuis plus de vingt ans.
En 1944, le capitaine Vidal (Sergi Lopez) vient s’installer avec ses hommes au plus profond de la montagne asturienne. Il est chargé de traquer les ultimes opposants au franquisme victorieux. Aussi sadique que fanatique, Vidal exécute sa tâche avec la dernière cruauté. Peu après, sa femme enceinte vient le rejoindre, avec sa fille de douze ans née d’un premier mariage. Terrifiée par la violence qui l’environne, Ofelia (Ivana Baquero) trouve souvent refuge dans la forêt. S’y aventurant de plus en plus, la petite finit par découvrir un univers fantasmagorique qui constitue un véritable labyrinthe. Elle y découvre une galerie de créatures monstrueuses dont un vieux faune à tête de bouc. Le satyre lui révèle qu’elle est en fait une princesse qui, pour retrouver son trône, doit réussir trois épreuves initiatiques. Non sans courage, Ofelia accepte ce destin magique, se réservant toutefois toujours la possibilité du libre choix…
De façon très révélatrice, del Toro mène ce récit inquiétant à deux niveaux, opposant le réalisme cru, abject, d’une opération militaire d’une brutalité inouïe, à une quête initiatique d’un monde merveilleux, peuplé d’êtres effrayants dont la poésie convulsive fait penser aux toiles de Goya, de Böcklin, Ernst ou Redon. Cette articulation subtile de deux univers complètement hétérogènes ne tarde pas à produire son effet sur le spectateur, lequel est amené à se demander qui de Vidal ou de Pan est le plus monstrueux… Au-delà de cette démonstration très efficace de la relativité du jugement des apparences, «Le Labyrinthe de Pan» est surtout un merveilleux éloge des vertus de l’imaginaire enfantin où peur et courage font la paire. On gardera longtemps en mémoire certaines images dont l’onirisme fabuleux fait de leur auteur au moins l’égal d’un Tim Burton. A l’heure du désenchantement numérique, les visionnaires ne sont plus vraiment légion, raison de plus pour s’égarer dans le labyrinthe de del Toro!
El laberinto del fauno
de Guillermo del Toro
Etats-Unis / Espagne / Mexique, 2006, 1h52