Le Juge et l’assassin

A voir mercredi 6 janvier 2016 à 20h55 sur Arte |

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Bertrand Tavernier, l’homme aux multiples casquettes, s’est illustré dans de nombreux domaines cinématographiques. Critique aux Cahiers du cinéma, Positif ou encore Cinéma, il a également rédigé une somme captivante sur le cinéma américain («Cinquante ans de cinéma américain») dans lequel il raconte ces réalisateurs qu’il affectionne tant. En 1974, il réalise «L’Horloger de Saint-Paul», son premier long-métrage et premier succès, qui témoigne d’une collaboration durable avec Philippe Noiret.

Tavernier est de ces cinéastes particulièrement cinéphiles qui ne se cantonnent pas à un genre ou à des coutumes cinématographiques nationales. Fervent admirateur du cinéma à l’américaine, il a, comme ses confrères d’outre-Atlantique, exploré la comédie dramatique, le film de guerre, le thriller policier ou encore le film historique, sautant non sans virtuosité d’une époque à l’autre, animé par la certitude que le passé est «une lumière qui peut éclairer notre présent». De «Que la fête commence» (1975) à «La Vie et rien d’autre» (1989), en passant par «Coup de torchon» (1981) ou encore «Un Dimanche à la campagne» (1984), l’auteur de «La Passion Béatrice» (1987) a bousculé plus d’une fois l’Histoire officielle de France et les dysfonctionnements de la société moderne. Dans «Le Juge et l’assassin», son troisième long-métrage, Tavernier évoque le combat d’un juge contre un tueur en série.

Joseph Bouvier (Michel Galabru), un «anarchiste de Dieu», sillonne la France en violant et tuant une douzaine de jeunes personnes. Le mode opératoire étant semblable d’un cas à un autre, le juge d’instruction Rousseau (Philippe Noiret) remonte rapidement la piste de l’assassin. Face à ceux qui considèrent le coupable trop fou pour être responsable de ses actes, le juge met tout en œuvre pour obtenir sa condamnation à mort.

Tavernier profite de la collision de deux figures antagonistes pour dévoiler la noirceur de chacun. Si l’un fait preuve d’une démence meurtrière, l’autre ne parvient plus à penser en dehors des cadres qu’une justice inégalitaire et répressive a posés. En les confrontant, le cinéaste prend le pouls de la France au crépuscule du 19e siècle, alors que l’affaire Dreyfus s’apprête à diviser le pays, tout en abordant nombre de faits de société aussi inquiétants qu’actuels, comme la peine de mort, la pédophilie, l’envers obscur de la presse et de la justice pénale ou encore les inégalités sociales.

Entre film historique (le scénario étant basé sur l’histoire de Joseph Vacher, le premier tueur en série français connu de la justice), polar et drame, «Le Juge et l’assassin» est une épopée criminelle ambiguë et dense, qui a notamment permis à Michel Galabru de casser son image de pitre de service.

de Bertrand Tavernier
France, 1976, 1h50