Le Dictateur

A voir mardi 19 avril 2016 à 13h35 sur Arte |

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En Tomanie, après la Première Guerre mondiale, un barbier devenu amnésique retrouve ses esprits dans un pays gouverné par un régime dictatorial. A sa tête, le cruel Adenoïd Hynkel persécute les Juifs et les enferme dans des ghettos. Lui-même juif, le barbier n’a pas conscience du tournant politique qui se trame et encore moins d’être le sosie du dictateur…

Le 1er septembre 1939, deux jours avant l’entrée en guerre de l’Angleterre contre l’Allemagne, le scénario du «Dictateur» est enfin finalisé. Long de 300 pages, soit le double du standard hollywoodien de l’époque, le script détaille très précisément l’ambitieuse satire anti-nazi que Charlie Chaplin souhaite porter à l’écran. Pour y parvenir, le moustachu le plus apprécié de la planète abandonne son personnage de vagabond et s’engage, pour la première fois de sa carrière, sur la voie du parlant pour pasticher Hitler. Fort de ses talents mimétiques, le cinéaste restitue à la perfection les attitudes et les manières oratoires de celui qu’il dit considérer comme «l’un des plus grands acteurs qu’[il] connaisse».

La ressemblance entre les deux hommes est troublante, à tel point que certains témoins rapportent l’attitude schizophrénique de Chaplin sur le tournage. Dans le double rôle assumé du barbier et du dictateur, il semble changer de personnalité en fonction du costume qu’il porte. Dan James, assistant-réalisateur et instigateur du projet, déclara quarante-cinq ans plus tard: «Il avait bien entendu certaines des qualités de Hitler. Il dominait son monde. Il le créait. Et le monde de Chaplin n’était pas non plus une démocratie. Charlie était le dictateur de toute chose».

Réaliser ce film n’a pas été une mince affaire. Les milieux isolationnistes américains voyaient d’un très mauvais œil l’engagement politique de leur célèbre artiste comique. De son propre aveu, Chaplin raconte qu’il n’aurait jamais réalisé ce film s’il avait su toute l’horreur des camps de concentration. A la sortie du film, les critiques furent nombreux à fustiger le discours final, considéré comme trop sentimental et à la limite de la propagande communiste. En jugeant Chaplin de la sorte, ses détracteurs perdaient de vue l’immense force poétique de son film, dont la danse du globe est, à ce titre, le plus bel exemple. A l’heure actuelle, «Le Dictateur» reste un formidable réquisitoire contre la guerre, doublé de l’une des plus belles réussites artistiques de Chaplin: accorder son génie burlesque aux impératifs du cinéma parlant.

The Great Dictator
de Charlie Chaplin
Etats-Unis, 1940, 2h06