Le Dahlia noir

A voir samedi 4 avril 2015 à 01h25 sur Arte |

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L’affaire du «Dahlia noir» a défrayé la chronique en février 1947. Un cadavre dénudé est découvert dans un terrain vague de Los Angeles. Atrocement mutilé, ce corps méconnaissable est celui d’une jeune femme nommée Elisabeth Short. Arrivée de la Côte Est, dans l’espoir de devenir une vedette de cinéma, la victime a tourné quelques films pornographiques très peu glamour, avant de succomber sous les coups de couteau d’un tueur particulièrement sadique. Pour la presse, Elisabeth Short devient «le Dahlia noir», devant ce surnom à sa chevelure de jais et à sa ressemblance avec la star Veronika Lake dont le film «The Blue Dahlia» est encore sur les écrans. Emblématique du miroir aux alouettes que représente Hollywood, ce crime épouvantable fait bien évidemment les choux gras des journalistes, d’autant plus que la police patauge allégrement. Les suspects commencent à valser: le petit ami d’Elisabeth, un médecin atteint d’Alzheimer, un pervers sexuel du nom de Jack Anderson Wilson, etc.. Un temps, la rumeur désigna même le pauvre Orson Welles!

Quarante ans après, l’écrivain James Elroy consacre un roman à l’affaire. Foisonnant, d’une densité extraordinaire, ce pavé dans la mare avance une hypothèse crédible, tout en centrant son propos sur les investigations menées par deux inspecteurs de la brigade criminelle complètement obnubilés par «Le Dahlia noir». C’est surtout l’œuvre fascinante d’un écrivain obsédé par le meurtre de sa propre mère dont on ne retrouva pas non plus le coupable. Au fil des pages, Ellroy donne de l’épaisseur à ses conjectures, tout en exorcisant de façon souterraine ses démons intérieurs…  Dans son adaptation, Brian de Palma gomme complètement et à raison ce caractère autobiographique «caché». Mais il est resté très fidèle à la prose de l’auteur de «L. A. Confidential», au risque d’égarer un peu les spectateurs pris dans les rets d’une narration très complexe… On retrouve donc les deux flics d’Ellroy, Bucky Bleichert (Josh Hartnett) et Lee Blanchard (Aaron Eckhart) dans une enquête qui prend une dimension quasi obsessionnelle, dont aura à pâtir Kay (Scarlett Johansson), la petite amie de Lee.

Comme David Lynch dans «Mulholland Drive» (2001), De Palma fait plutôt porter le chapeau à Hollywood, et c’est ce qui rend son film absolument passionnant, lui conférant des allures de requiem. Pour l’auteur de «Body Double», Elisabeth Short a de toute évidence péri victime de la machine à illusions hollywoodiennes. D’emblée, De Palma accrédite cette thèse de façon on ne peut plus claire en faisant lui-même la «voix» du cinéaste qui dirige la jeune femme dans ses premiers essais pornos! Styliste prodigieux, connaissant mieux que personne les manières des anciens grands démiurges de «l’usine à rêves», le réalisateur du remake de «Scarface» (1983) nous embarque dans une reconstitution quasi fétichiste du grand art hollywoodien… Un vrai bonheur de cinéma, mais qui ne peut durer, tant son revers s’avère sordide. Funèbre.

The Black Dahlia
de Brian De Palma
Etats-Unis / Allemagne, 2005, 2h