Le Criminel

A voir mercredi 27 janvier 2016 à 2h15 sur Rouge TV |

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Disparu en 1985, le cinéaste américain Orson Welles conserve une aura exceptionnelle. A chaque nouvelle vision, le cinéphile passionné peut prendre toute la mesure du génie de ce géant à la fois débonnaire et orgueilleux, tant la filmographie du sieur Welles procède de la dissémination, du lambeau, du puzzle inachevé.

Venu du théâtre et passé par la radio, cet expérimentateur impavide a ruiné les prétentions illusionnistes du complexe industriel hollywoodien qui l’avait pourtant engagé à prix d’or. Dès son premier long-métrage, «Citizen Kane» en 1941, Welles a fait basculer le septième art dans l’ère «moderne» du soupçon, en faisant littéralement imploser l’idée mensongère que le cinéma pouvait constituer un modèle du «vrai». Autrement dit, les apparences cinématographiques sont forcément trompeuses, même si encore aujourd’hui la plupart des films s’échinent à nous faire nier l’évidence.

Le coup de force de «Citizen Kane», Hollywood le fera payer très cher à son auteur. A moins de trente ans, Welles sera banni des grands studios. Toute le reste de sa carrière, il récusera cette étiquette de martyr, de crainte sans doute qu’elle ne mette en péril son extraordinaire vitalité créatrice. Indépendant malgré tout, Welles continuera à tourner, avec les moyens du bord.

Réaliser à l’automne 1945 suite à une demande faite à Welles par la RKO dans le but de mettre en scène un scénario de Anthony Veiller sans le modifier, «Le Criminel» («The Stranger») fût expédié avec dix jours d’avance sur la date prévue et le film sortit le 25 mai 1946, puis connut un franc succès, mais fut considéré par Welles lui-même comme «son plus mauvais film.» Et pourtant, Welles, qui y interprète un ancien nazi, réalise ainsi à la fin de la Deuxième Guerre mondiale le premier long-métrage avec des images de camps de concentration…

Pour arrêter un criminel de guerre caché aux Etats-Unis sous une fausse identité, un policier laisse s’évader un de ses complices. En le suivant, il retrouvera la trace de l’ancien nazi… Et Welles de ne pas s’empêcher d’innover en disloquant les décors! Conférant ainsi une profondeur incisive à sa mise en scène, le maître obtient le Lion d’or à Venise en 1947, pour ce film de haut vol, qui flirte avec l’expérimental et l’expressionnisme!

The Stranger
de Orson Welles
Etats-Unis, 1946, 1h30