A voir mercredi 14 janvier 2015 à 13h35 sur Arte |
L’œuvre, majeure, du cinéaste américain Anthony Mann (1906-1967) s’inscrit dans un entre-deux : l’auteur de «L’Homme de l’Ouest» (1958) est en effet à la fois un «classique» par la rigueur linéaire de ses intrigues, la clarté et la simplicité fonctionnelle de sa mise en scène, son refus du pittoresque, de l’insolite, du baroque. Dans le même temps, il introduit dans ses films des tonalités inédites pour l’époque: la culpabilité, la névrose, la vengeance, l’intérêt, la peur de l’autre.
Débutant par des séries B policières mâtinées de film noir («T-Men», «Reign Of Terror» et surtout l’imparable «Raw Deal»), Mann acquiert la célébrité grâce à son extraordinaire tétralogie westernienne bâtie dans les années cinquante autour de l’acteur James Stewart («Winchester 73», «Les Affameurs», «L’Appât», «Je suis un aventurier» et «L’Homme de la plaine»), qui constitue le véritable chant du cygne du genre.
Dans les années soixante, Mann se frotte à la superproduction et son art perd un peu de son évidence, mais offre quand même de très beaux restes. Semble-t-il considéré par Martin Scorsese comme l’un des plus grands films épiques jamais tournées, «Le Cid» (1961) est tirée de la chanson de geste castillane «El cantar de mio Cid» retranscrite par Per Abad en 1128 (et non de la pièce tragicomique de Corneille).
Pour les historiens, Rodrigo Díaz de Vivar, dit El Cid Campeador, est né vers 1043, à proximité de Burgos, et mort à Valence le 10 juillet 1099 qu’il a reprise aux maures. L’Histoire officielle a fait de ce chevalier mercenaire un grand héros de la Reconquête, bien qu’il ait également parfois combattu aux côtés des musulmans contre les chrétiens, en contrepartie d’avantages financiers.
Dans son film d’une grande beauté formelle, Mann lui confère une dimension tragique, «bigger than life». Il en fait aussi un champion de la tolérance et de la droiture qu’il n’était sans doute sans doute pas à ce point! Joué par Charlton Heston, Rodrigue (sic) incarne en effet l’indépendance la plus farouche, parfaitement inflexible, au risque de perdre l’amour de Chimène (à laquelle Sophia Loren lui prête ses yeux), et de se désavouer aux yeux du Roi Alphonse, en s’alliant le cas échéant avec des chefs musulmans. Pour lui ne comptent que la justice et l’Espagne… Pour décrire pareil personnage, le cinéaste verse un peu dans la grandiloquence (surtout vers la fin), reste que sa mise en scène atteint souvent au sublime.
El Cid
de Anthony Mann
Etats-Unis, 1961, 3h04