La lune était bleue

A voir dimanche 22 juin 2014 à 0h05 sur France 3 |

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Formé par Ernst Lubitsch, le cinéaste d’origine viennoise Otto Preminger développa un sens très poussé de l’exigence que les Majors hollywoodiennes prirent pour de l’arrogance, d’autant que son regard possédait une acuité critique fort peu américaine! Malgré des rapports très conflictuels avec ses producteurs, Preminger explora maints genres de façon très convaincante: film noir («Laura» 1944), film policier («Mark Dickson, détective», 1950), drame psychologique («Le mystérieux Docteur Korvo», idem), western («La Rivière sans retour», 1954), comédie musicale («Carmen Jones», idem), etc.

Adapté de la pièce de théâtre de F. Hugh Herbert, mise en scène par Preminger lui-même sur les planches de Broadway, «La lune était bleue» raconte la rencontre entre l’architecte Don Gresham et la belle Patty dans les couloirs de l’Empire State Building. Charmé, il l’invite à dîner et l’emmène dans son appartement. C’est alors que son ex-fiancée débarque, accompagnée de son père, qui n’est autre que le meilleur ami de Don ainsi qu’un indécrottable coureur de jupons…

«La lune était bleue» est une formidable comédie de moeurs, mais surtout l’une des productions les plus singulières de Preminger. Lassé de réaliser des polars et des films noirs, le cinéaste cherche des scénarios plus originaux qui lui permettraient de mettre à mal les bonnes mœurs américaines. Durant cette période, il réalise notamment «L’Homme au bras d’or» (1955), l’histoire d’un musicien accro à l’héroïne. Dans «La lune était bleue», il s’attache à dénoncer le lieu commun qui voudrait qu’une belle jeune fille n’aurait aucun vice caché.

Pour y parvenir, Preminger ne recule devant rien et multiplie les entorses au fameux code Hays qui régissait une censure stricte durant l’âge d’or hollywoodien. D’une pudibonderie aujourd’hui risible, ce code interdisait nombre de mots, comme «narcotique» ou «vierge». Mais le texte qu’il adapte regorge de ces termes et Preminger refuse d’en enlever la moindre syllabe. Résultat: le film fut interdit de sortie dans la plupart des Etats américains. La polémique qui s’ensuivit attira les masses qui découvrirent avec une joie non dissimulée le nouvel affront de Preminger à l’encontre du cinéma hollywoodien!

The Moon is Blue
de Otto Preminger
Etats-Unis, 1953, 1h39