A voir mercredi 8 avril 2015 à 0h15 sur France 4 |
Jeanne (Emilie Dequenne) fait du roller avec les jeunes de son quartier tranquille de la banlieue parisienne, jouxtant la ligne du RER D. Elle entretient une relation heureuse avec sa mère Louise (Catherine Deneuve), qui garde des enfants pour subvenir aux besoins de leur ménage. Elle tombe amoureuse de Franck (Nicolas Duvauchelle), un beau type sportif et un peu voyou, comme dans les feuilletons télévisés. D’ailleurs elle regarde souvent la télé, toujours allumée dans le salon. En somme, tout se passe bien pour cette jeune fille ordinaire, jusqu’au jour où elle se fait rembarrer brutalement par Frank au détour d’une affaire louche, quelque temps après avoir échoué à un entretien comme secrétaire auprès d’un ex-amant de sa mère, l’avocat et porte-parole de la communauté juive Samuel Bleistein (Michel Blanc).
C’est ainsi que se clôt la première partie du film, visant à décrire «Les Circonstances» qui mènent au mensonge devenu événement médiatique. Le film s’inspire de la pièce de Jean-Marie Bresset, «R.E.R.», elle-même basée sur un fait divers qui avait défrayé la chronique: une jeune fille s’était déclarée victime d’une agression antisémite par des individus d’origine maghrébine et africaine, avant d’admettre qu’elle avait inventé les faits. Dans la seconde partie du film, Téchiné élabore sa vision des «Conséquences» de la situation initiale.
La force du film réside dans sa capacité à conférer au mensonge une portée politique aussi explosive qu’involontaire. Jeune fille a priori ordinaire et sans histoire, Jeanne a un sentiment d’insignifiance après avoir essuyé un revers sentimental et professionnel. Échaudée par des discours et images journalistiques contaminés par le sécuritarisme ambiant, elle invente une agression qui fait mouche. L’espace d’un instant, cette «Fille du RER» parmi tant d’autres se trouve subitement sous les feux de la rampe. L’argument principal de l’avant-dernier film de Téchiné est relayé par Samuel, l’avocat de la jeune fille. Il accuse un système politique et médiatique qui précisément encourage la délation calomnieuse et souvent raciste, occultant la vraisemblance des faits et la tenue d’enquêtes solides au bénéfice d’un discours politique mesquin et intéressé. Cultivant l’apparente légèreté, Téchiné signe un film captivant, qui déploie son propos engagé en toute intimité.
de André Téchiné
France, 2008, 1h45