A voir lundi 22 juin 2015 à 20h50 sur W9 |
Très représentative de la difficulté à pratiquer un cinéma personnel au sein du système hollywoodien, la carrière cinématographique de M. Night Shyamalan est une succession de hauts et de bas, ce qui la rend d’autant plus intéressante! Très éloigné des obscénités transformistes que permettent les nouvelles technologies numériques, l’auteur du “Sixième Sens” (1999) maîtrise un entre-deux inconfortable pour lequel le spectateur n’arrive jamais à trancher. Réalité “surnaturelle” ou fruit de projections inconscientes des personnages, les images très travaillées du jeune cinéaste possèdent un statut ambigu, anti-spectaculaire, très réjouissant à l’heure où l’industrie hollywoodienne a une nette tendance à tout vouloir nous pré-mâcher. Cette volonté “folle” à ne pas vouloir traiter le public en “idiot de village”, à la longue, risque hélas de lui aliéner la confiance des producteurs… En effet, malgré le sommet d’intelligence qu’était «Le Village» (2004), une allégorie terrassante de la paranoïa post-11 septembre, Shyamalan a de plus en plus tendance à se saboter. Ainsi coulé par le désir trop impérieux d’en finir avec les diktats de Hollywood, «La Jeune Fille de l’eau» (2006) est une baudruche fascinante de prétention montrant que la posture du génie incompris ne sied guère à cet auteur que tout le monde qualifiait de surdoué. Mais avant cet épisode fâcheux, il y a eu «Incassable»…
David Bunn, un gardien de sécurité, réchappe d’un déraillement de train meurtrier qui n’a laissé que lui seul pour survivant. Le caractère miraculeux de sa survie soulève de lourdes interrogations. Est-il comme le commun des mortels? Quelque part ailleurs, Elijah Price est affecté d’une maladie qui a fait de lui un «homme de verre». Peu tenté par la dangerosité des sorties, il passe le plus clair de son temps chez lui, à lire des comics et pense en son for intérieur que les supers-héros sont peut-être parmi nous. En effet, si la nature est si bien faite, la copie inverse de sa fragilité physique doit exister quelque part. Sa rencontre avec l’«incassable» David Bunn va confirmer bien des choses.
Shyamalan réalise une fresque centrée sur le thème du double et du mysticisme avec un talent indéniable. En laissant de côté toute la surenchère spectaculaire que pourrait engendrer la présence d’un personnage invincible, le cinéaste écarte juste ce qu’il faut du lourd rideau de velours rouge pour nous permettre d’apercevoir ce qui doit généralement rester caché.
Unbreakable
de M. Night Shyamalan
Etats-Unis, 2000, 1h46