A voir dimanche 26 janvier 2014 à 0h15 sur France 3 |
Père du grand cinéaste Jacques Tourneur, qui tournera dans les années cinquante des films noirs et des westerns mémorables, le trop méconnu Maurice Tourneur (1876-1961) œuvre tout d’abord dans le domaine du livre d’art, travaillant notamment avec Rodin, avant de rejoindre la troupe du metteur en scène André Antoine qui révolutionna la pratique du théâtre au début du vingtième siècle.
Attiré par le cinéma, Tourneur père est envoyé dès 1911 par la société française Eclair aux Etats-Unis où il commence à tourner des films dont les préoccupations esthétiques tranchent sur la production de l’époque. Suite à un différent avec la MGM, qui l’avait engagé pour tourner «L’Île mystérieuse» d’après Jules Verne, Tourneur rentre en France, où il va s’adapter de façon admirable aux nouvelles exigences du parlant, après avoir rencontré quelques problèmes dus à son statut d’objecteur de conscience dont il s’était prévalu pendant la Première Guerre mondiale. Après une malheureuse expérience en Allemagne, qui lui permet cependant de diriger Marlène Dietrich dans l’un de ses premiers rôles, Tourneur revient à Paris et tourne alors ses pièces maîtresses: «Au Nom de la Loi» (1932), un policier réaliste d’une modernité assez inouïe, «Justin de Marseille» (1935), film noir à la française, «Volpone» (1941), avec Louis Jouvet, Harry Baur et Charles Dullin, devenu un classique, ou encore le film fantastique «La Main du Diable» (1942).
En 1948, le cinéaste tourne «Impasse des Deux-Anges», son dernier film. Ce drame romantique aux accents de film noir raconte les choix difficiles de Marianne, artiste de music-hall, qui renonce dans un premier temps à sa carrière pour convoler avec le marquis Antoine de Fontaine. Comme le veut la tradition familiale, un collier de diamants conservé dans un coffre-fort doit être offert à la jeune mariée. Le soir des noces, une bande de voleurs élabore une stratégie pour s’emparer du précieux bijou. Jean, l’un d’entre eux, est désigné pour récupérer le collier, mais lorsqu’il tombe nez à nez avec Marianne, il reconnaît son ancienne maîtresse et tous deux s’envolent pour quelques heures de passion retrouvée.
La mélancolie qui baigne les retrouvailles du couple a des répercussions bien au-delà du cadre de l’image. «L’Impasse des deux anges» a l’aspect crépusculaire du rideau qui se baisse sur la carrière prolifique d’un cinéaste qui a su composer avec les nouveaux impératifs du parlant. Dans le rôle des amants, Paul Meurisse et Simone Signoret, alors âgée de 27 ans, crèvent l’écran. L’alchimie qui naît au sein de ce couple de cinéma se reproduira, quant à elle, à plusieurs reprises, notamment sous la direction d’Henri-Georges Clouzot («Les Diaboliques», 1955) et Jean-Pierre Melville («L’Armée des ombres», 1969).
de Maurice Tourneur
France, 1948, 1h26