Eyes Wide Shut

A voir dimanche 21 août 2016 à 20h50 sur Arte |

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Adapté d’une nouvelle d’Arthur Schnitzler (1862-1931), le mythique «Eyes Wide Shut» (littéralement «les yeux grand fermés») s’attache aux pas de moins en moins assurés de William et Alice Harford (Tom Cruise et Nicole Kidman), un couple aisé de Manhattan — entièrement reconstitué en studio avec, au bord gauche du cadre, toujours un sapin de Noël bien trop chamarré pour être «honnête»! William est un médecin très réputé; Alice, qui a jadis tenu une galerie d’art, s’occupe surtout de sa petite fille.

Invité quelques jours avant Noël, comme chaque année, à la réception donnée par l’un des clients de William, le richissime Victor Ziegler (Sidney Pollack), ce couple apparemment lisse et sans histoire se laisse un brin aller… Suite à cette soirée, William découvre que sa femme a des fantasmes sexuels dont il ne fait pas partie; cette découverte le renvoie à lui-même et l’entraîne dans un jeu dangereux dont on ne saura jamais si celui-ci est réel, et dès lors terrifiant, ou tient du «canular» organisé par des «gens de la haute» en mal d’érotisme!

Kubrick n’a jamais été un idéaliste: ses personnages sont ce qu’ils sont, d’où la méprise de ceux et celles qui, à tort, avaient fantasmé un film «osé». Son couple bon chic bon genre, a l’érotisme qu’il mérite et rien de plus. De même, la «partouze» masquée et donnée dans un château de carton-pâte est volontairement dérisoire, un reflet bête des fantasmes de certains nantis — où le sexe, le sacré et le pouvoir forment un drôle d’embrouillamini symbolique!

Partant, son casting parfaitement pensé ajoute au propos une dimension fascinante; Tom Cruise et Nicole Kidman formaient à la ville comme au cinéma, un couple idéal, un modèle parfait, une pure projection médiatique, dont semblait absente toute part d’ombre! En leur faisant subir les affres de son scénario aléatoire, Kubrick brise cette image et leur rend une certaine humanité, ce qui peut surprendre de sa part — Alice William est sans doute le personnage de femme le plus consistant de toute son œuvre!

De façon curieuse, c’est à certains films de Woody Allen que le jeu de miroirs du formidable «Eyes Wide Shut» fait souvent penser (en plus magistral). Juifs tous les deux, Kubrick partage avec Allen cet art du doute, de la déception et du démenti…

de Stanley Kubrick
Grande-Bretagne, 1998, 2h39