A voir dimanche 22 mai 2016 à 23h35 sur France 3 |
Né en 1906, disparu en 1977, le cinéaste italien Roberto Rossellini a commencé sa carrière en réalisant des films de propagande fasciste. A la Libération, il change de cap de la manière la plus radicale en réalisant les deux grands manifestes du néoréalisme naissant, «Rome ville ouverte» (1945) et «Païsa» (1946) qui font accéder le cinéma à sa modernité la plus exigeante. Très loin de se laisser enfermer dans ce mouvement, Rossellini va défricher d’autres territoires, exprimant sans relâche son désir impérieux de replacer sans cesse le cinéma dans une perspective résolument contemporaine, méritant ô combien le bon mot de Jacques Rivette: «il y a, d’une part, le cinéma italien, de l’autre, Rossellini.» Séducteur, notre homme enlève à la barbe et au nez d’Hollywood l’une de ses plus grandes stars pour la faire jouer dans trois chefs-d’œuvre qui reflètent sa vie de couple – «Stromboli», «Europe 51» et «Le Voyage en Italie» – ou plutôt sa désagrégation.
Après «Stromboli» (1949), où Bergman joue le rôle d’une réfugiée lituanienne entrée clandestinement en Italie, Rosselini retrouve donc son amante dans «Europe 51» (1952), un nouveau film d’une modernité fascinante, entre parabole et poésie, lauréat du Lion d’or à Venise… Epouse riche et futile d’un diplomate britannique, Irène Girard (Ingrid Bergman) mène une vie mondaine. Suite au suicide de son fils, qu’elle a délaissé, la jeune femme se dévoue pour les déshérités. Très aristocrate, son entourage ne peut admettre une telle déroute. Irène est déclarée folle par les psychiatres et considérée comme une sainte par les petites gens. Décrivant ainsi la vanité honteuse du système capitaliste et la superficialité naïve de la foi chrétienne, Rossellini livre un film quasi néoréaliste dans sa manière de définir l’attitude morale de son personnage principal. Un film critique de l’Europe après-guerre, certes pessimiste, mais où l’amour se révèle comme une menace pour l’ordre social établi!
Europa ’51
de Roberto Rossellini
Italie, 1952, 1h53