Dressé pour tuer

A voir jeudi 10 novembre 2016 à 1h sur Arte |

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Avant de devenir cinéaste, Samuel Fuller (1912-1997), l’un des vrais marginaux du cinéma américain, fut à 17 ans le plus jeune reporter engagé par les tabloïds new-yorkais puis un sergent d’infanterie couvert de décorations lors de la Deuxième Guerre mondiale. Durant les années 1950, il réalisa plusieurs westerns (Run of the Arrow – «Le Jugement des flèches», 1956), thrillers (Pickup on South Street – «Le Port de la drogue», 1952) ou films de guerre (Fixed Bayonets! – «Baïonnette au canon», 1951) qui se distinguent tous par leur audace et leur petit budget. Adulé par la Nouvelle vague, Wim Wenders ou Aki Kaurismäki, il apparaît plus tard comme acteur dans «Pierrot le fou», «L’Ami américain», «La Vie de bohème», etc.

Intitulé «White Dog» en anglais (littéralement «chien blanc»), «Dressé pour tuer» est un mélodrame allégorique inspiré du livre éponyme de Romain Gary. La production en fut retardée à plusieurs reprise, notamment lorsque Polanski, qui avait été pressenti pour la réalisation, dut fuir les Etats-Unis suite à une accusation de viol. Par la suite, Alors qu’il était encore en pré-production, la Paramount, effrayée par de fausses rumeurs prétendant que le film présentait un caractère raciste, en bloqua la diffusion sur le territoire américain. Il sortit néanmoins en 1982 en France et au Royaume-Uni. Sa première sortie officielle aux Etats-Unis eut lieu en 2008, lorsque Criterion sortit la version «uncut» du film en DVD. Samuel Fuller a lui-même commenté cet état de fait: «Mettre de côté un film sans que personne puisse le voir? J’étais estomaqué. C’est difficile d’exprimer ce qu’on ressent quand on a terminé un film et qu’il est enfermé dans un souterrain, sans avoir jamais été montré au public. C’est comme si quelqu’un jetait à jamais votre nouveau-né dans une foutue prison de haute sécurité.»

Le film raconte l’histoire de Julie, une jeune actrice qui recueille un chien blanc après l’avoir accidentellement renversé en voiture. Lorsqu’elle se rend compte que cet animal, auquel elle s’est attachée, a été dressé pour attaquer des noirs uniquement, elle le confie à un dresseur nommé Keys, lui-même noir, pour tenter de modifier son comportement. Persuadé d’y être parvenu, il relâche l’animal…

Portrait pessimiste et sans compromis de la nature humaine, le film traque un thème qui irrigue toute l’œuvre de Samuel Fuller, à savoir la bêtise et les dangers mortels des préjugés qui courent parmi les peuples de races et de couleurs différentes. Sa conclusion est aussi ambiguë que celle du «Jugement des flèches» qui se terminait par ces mots: «Vous seuls pouvez écrire la fin de ce film.»

White Dog
de Samuel Fuller
Etats-Unis, 1982, 1h24