Clockers

A voir vendredi 5 juin 2015 à 20h30 sur Rouge TV |

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Un film signé Spike Lee ne saurait laisser indifférent. Fer de lance peu accommodant du cinéma afro-américain, l’auteur de «Malcolm X» (1992) a tenté de faire un sort à tous les clichés associés à la communauté noire et véhiculés par l’industrie hollywoodienne. De son vrai nom, Shelton Jackson est né en 1957 à Atlanta, mais grandit à New York, dans le quartier de Brooklyn. Durant toute son enfance, Lee a baigné dans l’histoire et la culture de ses parents. Compositeur de jazz accompli, son père l’initie à cette musique qui va rythmer tous les films à venir. En 1981, le futur réalisateur de «Do The Right Thing» (1989) fonde sa propre compagnie de production, baptisée «Forty Acres and A Mule Filmwarks», en référence (provocante) à la promesse donnée aux esclaves noirs «libérés» après la guerre de Sécession qui garantissait à chacun d’eux quarante acres de terre et une mule en dédommagement des humiliations subies (seul trois d’entre eux virent cette «promesse» se réaliser).

Le ton est donné: avec une indépendance d’esprit jamais prise en défaut, Lee a écrit, produit, tourné et monté en quelque vingt ans de carrière une quinzaine de longs-métrages qui vont faire de lui le cinéaste afro-américain le plus populaire et aussi le plus controversé de la récente histoire du septième art américain, s’échinant à matérialiser les «trois grands buts du cinéma black, à savoir la réfutation des mensonges des Blancs, le reflet de la réalité de sa communauté et la création d’une image noire positive».

Aussi, dans «Clockers» (dealers en anglais), il s’emploie à redorer le blason des Noirs des banlieues new-yorkaises auxquels les Blancs ne reconnaissent que l’art et la manière de vendre et consommer de la drogue tout en écoutant un rap agressif sur des ghetto-blasters… Le film raconte l’histoire de Victor, un respectable père de famille et Strike, son jeune frère dealer de drogue. Soupçonné d’avoir assassiné un autre «clocker», Victor est interrogé par l’inspecteur Rocco Klein qui va rapidement émettre des doutes quant à la culpabilité de l’accusé. Alors que Martin Scorsese, d’abord pressenti pour réaliser le film, axait le scénario selon le point de vue du policier italo-américain, Spike Lee opéra les modifications nécessaires pour focaliser son film autour de Victor et Strike afin d’apporter un peu de chaleur et d’humanité à ces minorités généralement stigmatisées. En filmant à l’arrachée des séquences entières dans les rues de Brooklyn, le cinéaste emprunte aux principes du cinéma direct et montre les dégâts réels de la drogue sur les habitants de cette agglomération. Un regard bienveillant porté sur une réalité que la plupart préfère ignorer.

de Spike Lee
Etats-Unis, 1995, 2h09