A voir jeudi 17 novembre 2016 à 22h20 sur Arte |
Couronné du Prix d’interprétation au Festival de Cannes en 2010, Javier Bardem joue un rôle qui n’a rien de joli dans «Biutiful». Parfaitement mis en scène par Alejandro González Iñárritu, il incarne le drame d’un homme de la rue dans une ville où crèvent les immigrés.
A Barcelone, Uxbal mène une vie de merde. C’est un «Charnego» selon l’appellation péjorative donnée aux sans-le-sou castillans immigrés en Catalogne. Sa femme est bipolaire, il s’occupe seul de ses deux enfants, jongle avec les clandestins et les flics corrompus pour payer le loyer de son taudis. Condamné par un cancer, il s’efforce de terminer ce qui doit l’être, mais les revers se succèdent. Sans doute pour ne rien arranger, Uxbal est télépathe et peut communiquer avec les morts…
Ecrit et réalisé de main de maître par Alejandro González Iñárritu – qui a abandonné pour l’occasion les cheminements croisés de ses films précédents, «21 grammes» (2003) et «Babel» (2006) –, «Biutiful» suit les pas et la fin de Uxbal en décrivant ses problèmes de couple, sa relation avec ses enfants ou ses liens avec un père qu’il n’a jamais connu. Grâce à des sons assommants et quelques visions télépathiques, le cinéaste révèle les sentiments profonds de son personnage, ses regrets et sa douleur intense. Un jour, Uxbal identifie le cadavre de son père et peut enfin le rencontrer. Le lendemain, sa main-d’œuvre sans-papiers est massacrée: le sort s’acharne contre lui.
Iñárritu raconte sans fausse note la trajectoire chancelante d’un homme qui ne peut mourir en paix. D’une grande sobriété, Bardem communique alors parfaitement la peur de perdre un être cher et celle d’être un père mourant. Mais c’est un autre «personnage» qui vient ancrer le récit dans une réalité atroce: le quartier de Santa Coloma aux alentours de Barcelone. Inconnus des touristes, ces bas-fonds sont remplis d’immigrés, des Noirs et des Chinois pour la plupart, qui tentent de survivre pour ceux qu’ils ont laissés derrière eux et finissent par se faire «avaler» par la ville. Multipliant ainsi les tragédies, «Biutiful» est si noir qu’il perd un peu de son réalisme troublant. Il n’y a rien de beau dans ce film: tout est délabré et cruel. «Biutiful» est une antiphrase et c’est en le considérant comme tel qu’il devient possible de l’aimer.
de Alejandro González Inárritu
Espagne / Mexique, 2010, 2h18