A voir samedi 30 août 2014 à 01h20 sur Arte |
Pour son quatrième long-métrage, qui est aussi son premier film non-yougoslave après «Te souviens-tu de Dolly Bell?», «Papa est en voyage d’affaire» et «Le Temps des gitans», le plus taré et génial parmi les cinéastes balkaniques nous plonge dans un univers entre fantasme éveillé et réalité onirique. Après un Lion d’Or à Venise, un Prix de la mise en scène à Cannes et entre deux Palmes d’Or, Emir Kusturica remporte pour «Arizona Dream» un Ours d’Or à Berlin. Ni plus ni moins.
Par l’intermédiaire de Paul (Vincent Gallo), Axel (Johnny Depp) est rappelé en Arizona chez son oncle Leo (Jerry Lewis) qui veut lui remettre son commerce de Cadillacs. Mais Axel s’enthousiasme moins pour les bagnoles que pour Elaine (Faye Dunaway), une des clientes de Leo, dont il s’attelle à satisfaire les désirs. Outre leur appétit sexuel effréné, Axel veut aider Elaine à exaucer son rêve de voler jusqu’en Papouasie. Il lui construit des machines plus farfelues et dangereuses les unes que les autres, ne prenant garde aux désarrois de Paul et Grace (Lili Taylor). La belle-fille pessimiste habite sous le même toit et cultive à l’égard d’Elaine une haine viscérale que la matrone lui rend bien. Progressivement, Axel se rapprochera de Grace.
Emir Kusturica dresse une palette de personnages savoureux et attachants, qui se rejoignent par leur incapacité à s’ancrer dans la réalité. Avec une mélancolie éblouissante, il nous emmène dans les songes de chacun, tout en nous confrontant à leur triste solitude. A travers le personnage de Paul, qui veut devenir une star, il procède à des mises en abîmes savoureuses qui trahissent en même temps ses inspirations cinématographiques, de «Raging Bull» à «Autant en emporte le vent»… Soigneusement, le réalisateur serbe compose avec les particularités et les auras spécifiques de chacun des acteurs qui constituent sont casting éblouissant, et enveloppe son film d’une bande-son envoûtante et enragée signée Goran Bregovi et Iggy Pop. Kusturica prouve une maîtrise de la poésie filmique qui l’assoit de juste droit au rang des cinéastes les plus visionnaires de la fin du 20ème siècle.
de Emir Kusturica
Etats-Unis / France, 1993, 2h21