Les Femmes du sixième étage

Réalisateur inégal, le Français Philippe Le Guay avait déjà su nous séduire via «Le coût de la vie» (2003) où il épinglait à travers des récits multiples et croisés notre rapport intime à l’argent. Il récidive de manière encore plus convaincante avec «Les femmes du sixième étage», son septième long-métrage, qui constitue sa plus belle réussite. A Paris, pendant la guerre d’Algérie, Jean-Louis Joubert (Fabrice Luchini) mène une existence très réglée dans son appartement sis dans un immeuble des beaux quartiers. Agent de change pointilleux qui a repris l’agence de papa, il est contraint de renvoyer une domestique trop curieuse. Pour la remplacer il embauche une nouvelle bonne à tout faire, au grand soulagement de sa femme Suzanne (Sandrine Kiberlain) littéralement débordée par ses loisirs. La servante engagée (Natalia Verbeke) est espagnole et a du caractère. Attiré par sa forte personnalité, Joubert va dès lors prendre plus que de raison le chemin des escaliers qui mènent aux chambres hautes. C’est là que vit sans confort une petite communauté de bonnes espagnoles, très haute en couleur, où bigotes et communistes font bon ménage. Au contact de ce gynécée d’humble extraction, le bourgeois se métamorphose, s’évade de ses certitudes étriquées, au dam de son épouse qui le soupçonne d’entretenir une liaison avec l’une de ces «étrangères». Souvent très drôle, cette comédie ne verse jamais dans la caricature et raille en douceur les rapports de classe entre maîtres et serviteurs. Fabrice Luchini, fils d’immigrés italiens, excelle dans un des rôles de composition qu’il affectionne depuis «La fille de Monaco» (2006). A l’instar de l’avocat très pincé du film d’Anne Fontaine, son Joubert se laisse insidieusement gagner par un appétence irrésistible, allant jusqu’à renier toutes les valeurs qui avaient jusque-là borné son existence. Un régal!

de Philippe Le Guay
France, 2011

à Neuchâtel