Comment j’ai tué mon père

A voir lundi 12 juin 2017 à 23h30 sur TV5 Europe |

Ovationné en 2001 à Locarno (où son absence du palmarès avait presque fait scandale), le quatrième long-métrage d’Anne Fontaine renoue avec le ton sobre et cassant de «Nettoyage à sec»… Jean-Luc (Charles Berling) est un gérontologue à la compétence reconnue et à qui tout semble réussir. Heureux directeur d’une clinique privée dont la spécialité consiste à effacer (sinon freiner) les marques du vieillissement, il vient de recevoir une haute distinction en récompense de ses mérites. Au cours de la réception mondaine qu’il a organisée chez lui pour fêter l’événement, son père (Michel Bouquet) depuis longtemps perdu de vue (et que l’on ne croyait jamais revoir) refait soudain surface.

De retour d’Afrique, où il a exercé en tant que médecin «des pauvres» pendant de longues années, il s’installe durant quelques jours chez son fils aîné, le temps de provoquer une remise en question qui ne sera pas salutaire pour tout le monde. Apparemment dépourvu de toute fibre paternelle (et donc de tout sentiment de culpabilité), il pose en effet un regard sans complaisance sur la pseudo réussite de Jean-Luc; celui-ci apparaît dès lors comme un manipulateur cynique qui a réussi à «instrumentaliser» à sa convenance son entourage (sa femme, sa maîtresse et son frère cadet). Se révélant donc encore plus indigne que son père, le fils impuissant va craquer en silence… avec un cancer à la clef!

Nous ignorons si la cinéaste en a été consciente au moment d’élaborer son scénario, mais «Comment j’ai tué mon père» constitue la parfaite adaptation de l’une des plus terrifiantes nouvelles de Franz Kafka: «Le Verdict» – hormis la fin où Kafka concluait plutôt avec le suicide du fils… Cette différence de taille met l’accent sur la profonde actualité du film (qui se situe au plus près de notre époque). La démonstration menée par le père (et un Michel Bouquet qui prouve une fois plus qu’il est l’un des plus grands acteurs au monde) s’achève sur une béance, un véritable gouffre existentiel, qui a englouti le processus de filiation à l’origine de la civilisation occidentale… Bien évidemment, et c’est tout le mérite de la cinéaste de le montrer, il n’y a pour le moment aucune solution de remplacement envisageable: les fils, trop indignes, ne peuvent plus prétendre en remontrer aux pères injustes… Le lien est rompu faute de combattants!

de Anne Fontaine
Espagne / France, 2001, 1h38