Le Fil du rasoir

A voir dimanche 28 décembre 2014 à 0h20 sur France 3 |

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Cinéaste aujourd’hui oublié, Edmund Golding (1891-1959) a fait les beaux jours du star-system. Spécialisé dans le mélodrame féminin, il n’avait pas son pareil pour faire endurer à ses malheureuses protagonistes mille tourments, ce qui n’empêcha pas Bette Davis de voir en lui l’un des plus grands réalisateurs hollywoodiens de son temps. Il doit sans doute cet éloge un brin exagéré à l’attention constante qu’il portait à ses acteurs. A entendre le chef opérateur Lee Garmes, qui a signé l’image du «Fil du rasoir», Goulding exigeait que la caméra suive en permanence les acteurs.

Passé à la Fox, après avoir œuvré pour la MGM et la Warner, le réalisateur de «Grand Hôtel» (1932), où Greta Garbo prononce sa célèbre réplique «I want to be alone», adapte en 1946 «The Razor’s Edge», un roman de l’écrivain britannique Somerset Maugham paru deux ans auparavant. En termes de stratégie, le film est censé relancer la carrière de Tyrone Power qui vient de passer trois ans sous les drapeaux…

Jeune américain idéaliste, Larry Darrel (T. Power) est revenu de la première guerre mondiale pétri de doutes sur le sens de l’existence, à tel point qu’il rejette la voie sacro-sainte de l’american way of life basée sur la réussite financière. Fiancé à Isabel (Gene Tierney), il lui demande d’ajourner son mariage, le temps qu’il s’interroge en faisant retraite dans un ashram himalayen en carton-pâte. Par amour, Isabel accepte… On n’en dira pas plus, sinon que ce film inégal constitue une vraie curiosité. Il est sans doute l’un des premiers films made in Hollywood à aborder la question des religions orientales.

Dans sa seconde partie, «Le Fil du rasoir» atteint aussi à une tension mélodramatique assez hallucinante, scellant la réputation de «bitch» liée aux personnages que l’on faisait jouer à la sublime Gene Tierney. L’on en oublie alors un scénario plutôt bancal, même si Somerset Maugham (joué ici par Herbert Marshall) vient boucher les trous à titre de narrateur omnipotent. Pour sa performance, assez inouïe il est vrai, d’alcoolique désespérée, Anne Baxter reçut un Oscar. Quant à Clifton Webb, il est tout simplement parfait de cynisme dans le rôle de l’oncle mondain.

The Razor’s Edge
de Edmund Goulding
Etats-Unis, 1946, 2h25