Un Ange à ma table

A voir mercredi 28 mai 2014 à 0h55 sur Arte |

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Les héroïnes de Jane Campion sont fortes, déterminées, volontaires, ouvertes au monde et aspirent à une liberté dont elles se résignent à payer le prix. Avant d’avoir révélé Holly Hunter dans «La Leçon de piano» (1993), et de divulguer les véritables talents de Kate Winslet («Holy Smoke», 1999) et Meg Ryan («In the Cut», 2003), la réalisatrice portait l’écrivaine néo-zélandaise Janet Frame à la connaissance du monde.

A partir de trois récits autobiographiques de l’auteur, Jane Campion dresse le portrait d’une femme singulière, de son enfance à l’âge adulte. Rousse et rondelette, la jeune Janet subit les brimades et l’ostracisme de ses camarades et n’a pour seuls refuges que l’écriture et la lecture. Sa condition empire au sortir de l’adolescence, alors qu’elle est internée en hôpital psychiatrique pour traiter sa schizophrénie. Des centaines d’électrochocs plus tard, elle échappe de justesse à la lobotomie grâce à la publication de son premier recueil de nouvelles, «Le Lagon et autres histoires». Dès lors, le destin de l’écrivaine en herbe s’améliore, la conduisant en Europe, où elle découvre la renommée, l’amour, mais surtout la vérité sur son état de santé mentale…

Face à une personnalité marginale qui lutte corps et âme pour obtenir son émancipation sociale, Jane Campion ne pouvait que prêter allégeance. Avec Kerry Fox, qui restitue brillamment la poésie, la fraîcheur et la gravité et de son personnage, la cinéaste livre une magnifique ode à la différence, un thème qui anime son œuvre tout entière: «Mes films sont des réactions à l’obsession de la société pour la normalité, sa propension à exclure les déviants». Lion d’argent à Venise, ce biopic transpose subtilement les mots de Janet Frame en images et, ce faisant, confirme la force évocatrice du langage cinématographique.

An Angel at My Table
de Jane Campion
Nouvelle-Zélande, 1990, 2h38