A voir lundi 28 avril 2014 à 13h45 sur Arte |
Peintre génial de la bonne comme de la «mauvaise» société française, Sautet a élaboré un concept de mise en scène en adéquation parfaite avec son sujet, neutre, quasi atonal, rendant à la perfection le conformisme de ses protagonistes en proie au désenchantement. Avec un peu d’attention, le spectateur perçoit pourtant au-delà de la surface lisse des choses et des êtres de l’univers «Sautet» comme une indignation qui couve mais ne prend jamais. C’est que, chez Sautet, la simplicité n’est jamais aussi «simple» qu’elle en a l’air! Cet «oiseau qui chante dans son arbre généalogique» (pour reprendre un mot de Cocteau) a notamment livré cinq grands films de la décennie septante — «Les Choses de la vie» (1970), «Max et les ferrailleurs» (1971), «César et Rosalie» (1972), «Vincent, François, Paul et les autres» (1974) et «Mado» en 1976. Réalisé deux décennies plus tard, «Un Cœur en hiver» constitue la somme de toutes les qualités narratives et stylistiques que le cinéaste a acquises au fil du temps.
Adapté de «La Princesse Mary», une nouvelle signée Mikhaïl Lermontov, le film raconte l’histoire d’une triangulation amoureuse. Maxime (André Dussolier) et Stéphane (Daniel Auteuil) sont tous deux luthiers dans le même atelier. Le second vous une passion infinie pour les violons, tandis que le premier est obnubilé par la jeune Camille (Emmanuelle Béart), une violoniste de talent. Pourtant, c’est l’indifférence de Stéphane qui va l’emporter dans le cœur de Camille, bien que celui-ci n’ait d’yeux que pour son maître de violon.
Lion d’argent à Venise et César du Meilleur Réalisateur, «Un Cœur en hiver» reprend des motifs chers au cinéaste: les scènes de groupe qui faisaient le sel de «Vincent, François, Paul et les autres», les images intimistes de ses acteurs installés dans un café, la chute inéluctable de l’individu dans la société qui rappelle «Mado» ou encore la force de personnages ambigus et indéchiffrables. Une œuvre maîtresse du cinéaste, parfaite en tout point.
de Claude Sautet
France, 1992, 1h45