A voir samedi 7 décembre 2013 à 8h25 sur RTS Un |
Disparu en 2008, Sidney Pollack a été l’un des cinéastes emblématiques des années 1970, un âge d’or pour moult jeunes auteurs qui profitèrent de l’état temporairement chancelant d’Hollywood pour imposer leurs visions critiques et désenchantées des grands mythes étasuniens. Avec les Scorsese, Altman, Spielberg, Coppola et autre Lucas, Pollack a signé plusieurs films-clefs de cette période bénie. Nous songeons plus particulièrement à «On achève bien les chevaux» (1969), «Jeremiah Johnson» (1973), «Nos plus belles années» (idem), «Bobby Derfield» (1997), «Tootsie» (1982), ou encore «Out Of Africa» (1985) qui lui rapporta, enfin, un Oscar. Après une remarquable carrière de réalisateur, Pollack s’est laissé tenté par le monde de la production dès les années 1980, se faisant ainsi de plus en plus rare derrière la caméra.
Cinéaste à deux visages, il instaure une tension récurrente entre une situation de départ réaliste et un basculement progressif dans l’allégorie, et l’étrange. Ainsi, dans «On achève bien les chevaux», il se sert des marathons de danse extrêmement courus durant la Grande Dépression pour aborder l’absurdité de l’existence humaine et la lutte acharnée que les hommes sont prêts à mener pour elle. Dans «Un château en enfer», cinquième long-métrage du cinéaste, la Seconde Guerre mondiale fonctionne comme le cadre d’un récit métaphorique et opportuniste sur les retombées morales de la guerre du Vietnam.
Fin 1944, la Bataille des Ardennes bat son plein. Quelques soldats américains trouvent refuge dans un château rempli d’œuvres d’art. Ils y sont accueillis par un couple d’aristocrates qui tentent en vain de faire un enfant. Le château devient une place forte et l’espoir d’une descendance se fait jour, tissant des liens étranges entre les différents protagonistes. Lorsque les Allemands arrivent à leur porte, un choix crucial s’impose: abandonner ce havre de paix ou le défendre.
Réalisé en 1969, «Un Château en enfer» participe de très près à la tendance réactionnaire des cinéastes du Nouvel Hollywood face à la guerre du Vietnam. «M.A.S.H.» (1970, Robert Altman), «Voyage au bout de l’enfer» (1978, Michael Cimino) ou «Apocalypse Now» (1979, Francis Ford Coppola) ont tour à tour dénoncé l’intrusion américaine dans une guerre civile qui a engendré un nombre ahurissant de dommages collatéraux. Chacun de ces cinéastes en a réalisé une vision particulière, qu’elle soit parodique, introspective ou psychédélique. A l’instar de ses homologues cinéastes, Pollack cristallise autour de ses personnages le désir de fuir une guerre absurde et ravageuse. En résulte un film de guerre singulier, qu’il est d’ailleurs incorrect de ranger dans cette catégorie, mais tout à la fois dans l’air anticonformiste de son temps.
Castle Keep
de Sydney Pollack
Etats-Unis, 1969, 1h45