Matrix Reloaded

A voir mardi 16 juin 2015 à 20h50 sur France 4 |

matrix-reloaded_WEB

Avec la déferlante «Matrix», il vaut la peine de respirer un bon coup pour s’éclaircir les idées. Le spectacle proposé par Andy et Larry Wachofski est souvent fascinant, mais il faut faire un sort à tous les plumitifs branchés qui discernent dans cet amoncellement d’effets spéciaux une révolution radicale, tant sur un plan formel que thématique. Formellement, «Matrix» doit beaucoup aux acrobaties fabuleuses conçues par l’ancien étudiant de l’Opéra de Pékin, Yuen Woo Ping, ex-cascadeur de la Shaw Brothers (Hongkong) et découvreur de Jackie Chan. De fait, Yuen Woo Ping n’a fait que perfectionner les pratiques des cinéastes de kung-fu qui ont généralisé dès le début des années 70 l’usage des harnais et des câbles pour accentuer l’aspect chorégraphique de leurs cascades. La bonne vieille comédie musicale américaine constitue une autre source d’inspiration notable. Plusieurs scènes, dont celle très réussie où l’agent Smith se multiplie par cent pour affronter Néo, ultime avatar de nos figures messianiques, constituent des piratages évidents des chorégraphies démentes du génial Busby Berkeley (1895-1976).

Sur le plan thématique, le recyclage de vieilles lunes est encore plus patent. Ainsi, cette idée de matrice capable de générer à l’infini des univers virtuels qui nous leurrent n’est qu’une actualisation du mythe de la caverne cher à Platon. Une actualisation saupoudrée il est vrai de quelques éclats de la théorie des simulacres émise par Baudrillard dès la fin des années 70, lequel avait le premier discerné dans l’évolution des technologies du tout visuel (virtuel) une résurgence massive de la pensée platonicienne. Partant, il est n’est guère étonnant de retrouver dans la trilogie des frères Wachoski la figure d’un Messie qui traque la vérité au-delà des apparences «programmées». Entre nous soit dit, le véritable intérêt de «Matrix» se situe à un autre niveau, plus humble… Même si elle n’est peut-être que de circonstance, la dénonciation de la pensée unique dupliquée à l’infini, personnifiée par la prolifération des agents Smith dont les costumes font volontairement référence au FBI, est savoureuse. Eh oui, lutter contre la matrice revient à plaider pour la diversité!

Ce deuxième volet pulvérise les clés de compréhension que les spectateurs avaient acquises, non sans migraine, dans le premier épisode. Vous pensiez que Néo était l’élu, le messie tant attendu? Vous aviez tout faux. Comme son titre l’indique, «Matrix reloaded» recharge le monde virtuel de la matrice pour reprendre au commencement.

The Matrix Reloaded
de Andy & Lana Wachowski
Etats-Unis, 2003, 2h18