A voir lundi 19 août 2013 à 13h35 sur Arte |
Un bien drôle de bonhomme que ce Michael Mann! Né en 1943 aux Etats-Unis, parti étudier le cinéma en Angleterre pour échapper à la conscription pendant la guerre du Vietnam, le futur auteur de «Miami Vice» a le cœur à gauche, même s’il ne le dit jamais ouvertement. Pour mémoire, son tout premier film est un court-métrage documentaire intitulé «Insurrection» où il donne la parole aux meneurs de mai 68 (dont Daniel Cohn-Bendit).
Revenu en Amérique, le futur réalisateur du «Dernier des Mohicans» réussit à garder son indépendance, en jouant habilement le jeu du système. S’enrichissant grâce à la télévision (il est le créateur de la série «Miami Vice»), il peut ainsi exercer un contrôle absolu sur ses films de cinéma. Partant, il est l’un des ultimes cinéastes américains (avec peut-être Scorsese) à pouvoir se targuer d’être un véritable «auteur» hollywoodien.
Pour son septième long-métrage, Michael Mann se confronte à la problématique combien cinématographique du héros, via un portrait de Cassius Clay alias Muhammad Ali qui s’étale sur une décennie, de février 1964, date de son premier titre de champion du monde, à octobre 1974, où le boxeur reconquiert son titre lors du match mythique de Kinshasa, au Zaïre.
Au cours de ces dix ans, Muhammad Ali passe par tous les états d’âmes : porte-drapeau de la lutte antiségrégationniste, il est déchu de son titre par une fédération qui n’apprécie guère son engagement politique. Plus tard, il est condamné pour avoir refusé d’aller faire la guerre au Vietnam («aucun Vietnamien ne m’a jamais traité de nègre»). Son entourage se déchire en querelles très intestines. Décideur de sa propre vie ou pion d’un jeu où la finance le dispute au sport et à la politique? La question est ouverte !
S’appuyant sur une bande-son époustouflante et l’interprétation étonnamment sobre de Will Smith, le cinéaste se garde bien d’y répondre. Ce filmant, il fait un sort au biopic classique (dont on attend naïvement qu’il rende le plus lisible possible la trajectoire exemplaire du héros) en multipliant les zones d’ombre, les sensations ambiguës, insinuant une incertitude généralisée, du même tonneau que celle qui imprègne ses films de pure fiction («Sixième sens», «Heat», «Miami Vice»).
Après la diffusion de «Ali» (2001), le téléspectateur aura le plaisir de voir ou revoir «When We Were Kings» (1996), le documentaire passionnant et oscarisé de Leon Gast, qui décrit les arcanes de la fameuse revanche de Kinshasa (financée par le dictateur Mobutu).
de Michael Mann
Etats-Unis, 2002, 2h38