A voir mardi 8 avril 2014 à 23h55 sur RTS Deux |
Réalisatrice de plusieurs courts-métrages plutôt très remarqués, Sophie Barthes dit avoir trouvé l’idée de son film après avoir fait un rêve tarabiscoté, engendré par une lecture assidue de «L’homme à la découverte de son âme» de Jung, ouvrage dans lequel le célèbre psychanalyste compare l’inconscient à une «mer menaçante». Rassurons le lecteur, «Cold Souls» (un peu bêtement rebaptisé «Âmes en stock» pour la sortie française) n’a rien d’un traité de psychologie théorique. Bien au contraire, car il s’agit d’une comédie d’anticipation loufoque, parfois très drôle, dont la mise en abyme fait penser aux scénarios à tiroirs de Charlie Kaufman («Dans la peau de John Malkovich», «Adaptation») et certaines saillies joliment névrosées au Woody Allen de la période «Annie Hall».
Un comédien nommé Paul Giamatti (joué par Paul Giamatti) est en pleine crise de la quarantaine. Alors qu’il répète au théâtre «Oncle Vania» de Tchekhov, il est en proie à une terrible anxiété qui nuit gravement à l’exercice de son métier. Plutôt que d’aller se coucher sur le divan d’un psy, Paul préfère s’en remettre à un médecin peu recommandable, qui lui conseille de se rendre dans un mystérieux laboratoire, pour y subir l’ablation de son âme (de la taille d’un pois chiche), source de tous ses maux. N’en pouvant plus, le malheureux se prête à l’expérience et reçoit en échange l’âme d’un poète russe.
L’effet est immédiat: Paul retrouve sa bonne humeur en dépit de quelques effets secondaires un peu gênants, dont celui de jouer Tchekhov comme une patate, mais peu lui importe, tant il se sent revivre! Hélas, l’histoire ne s’arrête pas en si bon chemin. Stockée dans une banque prévue à cet effet, son âme est dérobée par des trafiquants qui la revendent aussitôt, en la greffant dans le très joli corps d’une jeune écervelée rêvant de faire carrière au cinéma, laquelle est persuadée qu’il s’agit de celle d’Al Pacino. Vu la véritable identité du «donneur», c’est ce que l’on appelle une greffe à risques, attention au rejet…
Délibérément absurde, cette comédie, qui égare parfois son rythme, vaut surtout pour la performance de Paul Giamatti dans «son propre rôle». Longtemps commis à de brèves apparitions, cet acteur pince-sans-rire avait certes déjà montré toute l’étendue de son talent dans «American Splendor», le titubant «Sideways» et «La jeune fille de l’eau». Mais il se révèle vraiment avec «Âmes en stock» où il semble se mettre à nu, donnant à voir de façon émouvante ses tourments de comédien.
Cold Souls
de Sophie Barthes
France / États-Unis, 2009, 1h41