A voir dimanche 21 juillet 2013 à 20h50 sur D8 |
A septante-sept balais, le cinéaste américain Robert Altman aurait pu se reposer sur ses très beaux lauriers. Eh bien non, et pas le moins du monde! Après le très jouissif et mal compris «Docteur T et les femmes» en 2000, Altman persiste et signe l’année suivante avec «Gosford Park» où, pendant plus de deux heures, il déterre avec une virtuosité folle les restes de notre bonne vieille société de classe. Mais quel peut bien être le sens d’une exhumation aussi méticuleuse qui s’apparente, sur bien des points, à celle que Jean Renoir avait accomplie en 1939 avec «La Règle du jeu»?
Le trentième long-métrage d’Altman commence comme il va se terminer, par une litanie de tacots luxueux qui fendent la «riante» campagne anglaise. Ces voitures convergent toutes vers le manoir de Sir William McCordle. Nous sommes en automne 1932, à la veille de la rituelle partie de chasse qui, une fois par an, rassemble tous les membres la haute société à laquelle appartiennent les McCordle. Tous ces élus amènent armes et bagages et surtout une pléthore de domestiques que Jennings, le majordome, va «manager» selon un rituel immuable.
En une succession de plans-séquences virtuoses, le cinéaste délimite alors les territoires respectifs, trace des frontières apparemment infranchissables – chacun à sa place! Jusqu’au moment où l’on retrouve le corps du maître de maison dont un inspecteur très «Hercule Poirot» déterminera qu’il a été assassiné à deux reprises par deux personnes sans doute différentes (empoisonné puis poignardé)… On n’en dira pas plus sur le dénouement de l’intrigue qui rappelle les «Dix petits nègres» d’Agatha Christie, sinon qu’il met en lumière la profonde immoralité gangrenant ce système de classe.
Comme celui de Renoir à son époque, le film d’Altman a valeur d’avertissement: bien que nous nous en défendions, nous sommes les héritiers de ce système et nous nous devons de garder en mémoire le souvenir de cette descendance encombrante. Car l’oubli permet trop souvent le retour de l’infamie. S’abstenant de tout jugement à l’égard de ses personnages, le cinéaste nous remet en face de nos responsabilités.
de Robert Altman
Etats-Unis / Grande-Bretagne / Italie, 2001, 2h17