Le Maître du logis

A voir mardi 25 septembre 2012 à 23h30 sur Arte |

A la vision du «Maître du logis» ressort une émotion bien particulière: quelque chose comme la sensation aiguë que, sous nos yeux, un auteur est en devenir… Autrement dit, Carl Theodor Dreyer est en train d’imposer au cinéma SA manière. D’abord en ce qui concerne le sujet, lequel n’est pas sans résonances autobiographiques puisqu’il s’agit de dénoncer une injustice commise à l’encontre d’une femme, de la réhabiliter.

Dans un appartement de deux pièces, Ida Frandsen est traitée en esclave par Viktor, son mari, qui ne lui reconnaît aucun mérite, fût-il «domestique». Accablée par cette injustice, elle quitte le domicile conjugal. La remplace alors Mads, la nourrice de Viktor, qui amène progressivement cet homme égoïste à plus de compréhension: c’est que la vieille femme lui fait subir sciemment un traitement identique à celui qu’il a infligé à sa pauvre épouse.

Pour traiter ce sujet, Dreyer constitue une forme cinématographique à même de concilier l’authenticité, objective, des choses et la vérité, subjective, des sentiments. Premièrement, il reconstitue l’appartement des Frandsen dans les moindres détails poussant le réalisme jusqu’à y installer le gaz, l’eau et l’électricité. Dans le même but il exige de ses acteurs de respecter les gestes sans emphase du quotidien, qu’ils en jouent les temps morts. En le faisant baigner dans une lumière diffuse, dédramatisée et réaliste, il accentue le caractère anodin de ses personnages.

Deuxièmement, par le biais de mouvements de caméra qui les relie, le cinéaste révèle leur sentiments, justement inspirés par la réalité tangible de leurs actions. La figure de style qui consacre ce rapport entre les choses et les êtres est le travelling. Dès ors, Dreyer peut ensuite isoler leur visage en gros plan et y réfléchir la situation… Et voici que naît l’art du réalisme psychologique!

Du skal ære din hustru
de Carl Theodor Dreyer
Danemark, 1928, 1h30