A voir mercredi 30 novembre 2016 à 23h05 sur RTS Deux |
Revoir « 2001, l’Odyssée de l’espace » fait éprouver une drôle de sensation: malgré l’aspect un brin daté du mobilier, le premier et dernier film “expérimental” à avoir rencontré un succès planétaire semble encore d’actualité, voire en avance sur le plan de la réflexion. Outre qu’il renferme l’ellipse de temps la plus sidérante de l’histoire du cinéma (par le biais d’un raccord de montage qui nous fait faire un bond de quatre millions d’années) et qu’il est l’un des rares films de science-fiction (si ce n’est le seul) à respecter scrupuleusement la contrainte dramatique du “silence de l’espace”, « 2001 » constitue toujours une œuvre limite qui rend compte, avec un humour glacial de bon aloi, de l’impuissance de la pensée humaine!
En quatre parties, Kubrick retrace le drame de notre évolution. Cette évolution est dramatique dans le sens où nous tendons à une continuelle perte de substance du vivant en confiant à des machines de plus en plus sophistiquées (et désormais intelligentes) la réalisation de toutes les activités dites intermédiaires. Cette entreprise de délégation généralisée est d’autant plus périlleuse que l’homme, pour sa part, reste désespérément identique à lui-même, c’est-à-dire dans l’obligation d’habiter un corps archaïque, en proie à des instincts toujours aussi primitifs, et, surtout, incapable de se penser hors de l’expérience humaine.
Au jour d’aujourd’hui, la tendance à la mécanisation du réel est devenue notre horizon commun à tous, au point que la conclusion de 2001 nous apparaît presque utopique — après avoir lobotomisé l’ordinateur omniscient Hall 9000, l’astronaute Bowman (qui le vainc par la ruse comme Ulysse le fit avec le Cyclope) peut s’échapper du Discovery et assumer seul sa destinée pour, peut-être, renaître à lui-même!
Près de 35 ans après sa réalisation, ce chef-d’œuvre d’une étrange étrangeté qui fait échec à toutes les herméneutiques (religieuses, scientifiques, psychanalytiques, etc.) constitue toujours une vision d’avenir… Que l’on ait réussi à survivre jusqu’en 2001 ne change rien à l’affaire!
2001: A Space Odyssey
de Stanley Kubrick
Etats-Unis, 1968, 2h21