«Le Festival du Sud 2006»

Caméra-stylo, programme n°134 |

Qu’il se rassure, sous la dénomination «Festival du Sud», le spectateur à l’épreuve du spectacle parfois déroutant de l’altérité retrouvera ces indispensables «Films du Sud» auxquels Passion Cinéma tient comme à la prunelle de ses yeux! L’affiche 2006 s’annonce vraiment très prometteuse avec dix œuvres inédites dont certaines sont signées par les cinéastes parmi les plus intéressants du moment. Elle «fête» aussi le grand retour de l’«absent» de l’an passé, le continent africain où l’avancée du désert cinématographique semblait pourtant irrésistible! N’en tirons pas trop vite d’heureuses conclusions: avec l’apport du numérique, le cinéma du pauvre s’apprête certes à vivre de très riches heures, mais il ne sera guère bénéfique à un esthète comme Nacer Khemir dont les rêveries grandioses réclament des financements autrement élevés, à la hauteur de ceux dont Chen Kaige, ancienne victime de la Révolution culturelle, dispose aujourd’hui en Chine.

Quotas défaits à Séoul

De l’Asie, parlons-en… Comme de coutume, l’avenir du cinéma d’auteur semble toujours se jouer sous ces lointaines latitudes. Les dernières productions en date de Kim Ki-duk («L’arc») et de Hou Hsiao-hsien («Three Times») en font la preuve éclatante! Las, deux constats sapent un brin notre enthousiasme. Primo, les distributeurs suisses hésitent de plus en plus à acquérir les droits des films asiatiques, par peur de l’insuccès. Pour cette édition, nous avons ainsi dû par deux fois pallier l’incurie de nos distributeurs pour que vous puissiez malgré tout découvrir des œuvres aussi essentielles que «Three Times» ou «Steamboy», le manga majeur du Japonais Katsuhiro Otomo. Secundo, une très mauvaise nouvelle est tombée voilà une quinzaine de jours: les Américains sont enfin venus à bout des fameux quotas qui assuraient au cinéma sud-coréen une certaine félicité. A l’annonce de l’issue fatale de cette négociation «purement commerciale», les cinéastes sont descendus dans la rue, Kim Ki-duk en tête! En Amérique du Sud, on n’en est déjà plus là! Mener à terme un film est une véritable gageure impossible à tenir, sans en passer par une coproduction avec un pays européen (l’Espagne le plus souvent). Cette survie culturelle et artistique, où l’on flambe des bouts de ficelles, exacerbe le sentiment d’indépendance des cinéastes qui y sont «abonnés». Un chef-d’œuvre mutique de l’acabit de «Los Muertos» fait irrésistiblement penser au «dissident» Tarkovski…

Nocturnes et «ciné-déj’»

En guise de conclusion, nous vous rendons attentifs à quelques primeurs. Tout d’abord en raison du départ de Frédéric Maire à Locarno, nous ne bénéficierons plus de sa faconde pour présenter les films. C’est Adeline Stern, programmatrice experte et émérite, qui prendra le relais, alors que le soussigné restera fidèle à son poste oratoire. Autre nouveauté, l’apparition de nocturnes qui permettront de découvrir cette année la foudroyante «japanime» du sieur Otomo. Enfin, sachez que la formule du «ciné-déj’» dominical que l’ABC expérimente avec succès depuis plusieurs années va être aussi appliquée à Neuchâtel. Le film retenu pour la circonstance est «Le chien jaune» de la cinéaste mongole Byambasuren Davaa («L’histoire du chameau qui pleure»), une œuvre de toute beauté, empreinte d’une grande humilité qui touchera petits et grands.

Vincent Adatte