L’aventure «Quatre d’entre elles»

Dans le courant des années 1960, celles et ceux qui, en Suisse romande, souhaitent faire du cinéma se heurtent à bien des difficultés. Aucune véritable structure de production, pas d’école pour apprendre le métier ni d’aides publiques pour les films de fiction… La machine n’est pas encore en marche.

A Neuchâtel, sous l’impulsion du critique de cinéma Freddy Landry et de sa femme Micheline, émerge une nouvelle entité de production qui fera figure de pionnière. Passionné par le septième art, infatigable promoteur du cinéma suisse en devenir, Landry est bien décidé à favoriser le talent de jeunes cinéastes. C’est le film à sketches «Quatre d’entre elles» (1968) qui marque les débuts et la création du collectif. Celui-ci prend alors le nom de Milos-Films, en hommage à Milos Forman, chef de fil du nouveau cinéma tchèque, qui suscite l’engouement général de l’équipe.

«Quatre d’entre elles» sort sur les écrans de plusieurs villes suisses en janvier 1969. Le film bénéficie d’un large écho dans la presse nationale, d’une certaine visibilité en festivals ainsi que d’une diffusion télévisuelle en Suisse et à l’étranger. Cette première expérience s’avère à la fois enthousiasmante et rentable. L’aventure peut donc continuer…

Dès lors, Milos-Films joue un rôle-clé dans l’émergence d’une nouvelle vague de jeunes cinéastes romands talentueux – Neuchâtelois et Vaudois en particulier. Jusqu’à la fin des années 1980, la société produit un nombre impressionnant de films, parmi lesquels ceux de Jean-Frangois Amiguet, Michel Bory, Robert Bouvier, Frédéric Gonseth, Frédéric Maire, Vincent Mercier, Yves Robert, Michel Rodde ou encore Marcel Schüpbach. Toujours sise à Neuchâtel, Milos-Films reste active cinquante ans après sa création.

A propos de «Quatre d’entre elles»
L’idée de départ est la suivante: réaliser quatre films d’une vingtaine de minutes sur un thème commun, pour en faire un long-métrage exploitable en salles. «Quatre d’entre elles» présente des portraits de femmes à des âges différents (16, 22, 31 et 72 ans), respectivement réalisés par Claude Champion («Sylvie»), Francis Reusser («Patricia»), le Neuchâtelois Jacques Sandoz («Erika») et Yves Yersin («Angèle»). Tournés en 16mm et en noir-blanc, ces films prennent un ton très libre et abordent divers thèmes politiques et sociaux de l’époque. Bien qu’envisagés comme des fictions, tous portent la marque du réel.

Plus long (40 minutes) et plus abouti, le film de Yersin est sans conteste le meilleur de la série. C’est d’ailleurs en solitaire qu’«Angèle» a été sélectionné à la Semaine de la critique à Cannes en 1968… Placée dans un home par l’assistance publique, Angèle Grammont, qui interprète son propre rôle, fait face avec bravoure à un milieu hostile. Soucieux d’éviter une bienveillance de façade, le futur réalisateur des «Petites Fugues» n’hésite pas à introduire une actrice professionnelle (Lucie Avenay) pour jouer une pensionnaire jalouse et acariâtre. Ses «vraies» consœurs n’y voient que du feu, rivalisant de remarques mesquines.

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