Saluant au mitan des années 1970 les débuts de Michel Rodde (à gauche sur la photo), qu’il considérait comme l’un des cinéastes les plus prometteurs de sa génération, Freddy Buache avait vu juste! Né à Neuchâtel, repéré par Freddy Landry, grand découvreur de talents, Michel Rodde a su d’emblée sidérer son monde avec «Drift» (1974), un court-métrage sur la genèse de la violence interhumaine avec une puissance primitive qui fait songer à l’ouverture de «2001, l’Odyssée de l’espace» de Stanley Kubrick.
En 1976, Rodde signe son premier long-métrage, «Une Dionée», fable non moins fascinante sur le thème du double. Il renoue ensuite avec le court-métrage «Au bord du lac» (1979), miniature bergmanienne qui retrace sur un mode poético-fantastique la désintégration d’un couple usé par des années de vie commune, puis «Sweet Reading» (1981), adaptation libre et vertigineuse d’une nouvelle de l’écrivain argentin Julio Cortàzar, dont l’acteur neuchâtelois Laurent Sandoz joue le rôle principal.
La même année, Michel Rodde entreprend le tournage des «Ailes du papillon» dans les bains en déshérence de la rue de l’Ecluse à Neuchâtel. Moyen-métrage saisissant de liberté formelle, ce conte cruel «perlabore» l’histoire d’un adulte resté enfant (Ronny Coutteure), dont deux vieilles femmes (Germaine Tournier et Neige Dolsky) se disputent les faveurs immatures.
Pratiquant un cinéma d’auteur au sens le plus exigeant du terme, Rodde s’attaque alors à la réalisation de son deuxième long-métrage, «Le Voyage de Noémie» (1986), film destiné au jeune public dont l’histoire picaresque retrace une descente pour le moins épique du Rhône, accomplie par une préadolescente rêvant de revoir sa grand-mère. Vivant mal les contraintes budgétaires qui brident par trop sa liberté créatrice, Rodde devient son propre producteur et tourne «Je suis ton père» (2004), puis re-pactise un temps avec une grande société de production suisse pour réaliser «L’Impasse du désir» (2010). En 2019, il consacre un documentaire de création très réussi au peintre Kokoschka, qui vécut sa vie d’artiste avec «fulgurance et droiture»…
A propos de «L’Impasse du désir»
Le quatrième long-métrage du Neuchâtelois Michel Rodde sonde l’âme noire de la jalousie rongeant notre être intime… Allant sur sa soixantaine, un psychanalyste estimé (Rémy Girard) comprend que sa jeune femme (Natacha Régnier) ne le désire plus guère, au point qu’elle le trompe avec un bel étalon un brin décervelé. Désespéré, le malheureux commence alors à manipuler l’un de ses patients (Laurent Lucas), jusqu’à peut-être l’inciter à commettre le geste fatal.D’inspiration psychologique, ce thriller s’inscrit crânement dans le noble sillage du Hitchcock façon «Pas de printemps pour Marnie» (1964). Sautant habilement d’un registre à l’autre, du suspense à la comédie, en passant par le drame, Rodde instille une géographie imaginaire des profondeurs, qu’il recompose à partir de lieux connus de nos contrées.
A voir en DVD