Que regardent Simon et sa grande sœur Louise?

«T’as vu? J’suis bientôt aussi grand que toi», fait remarquer Simon à sa sœur Louise. «Viens, mets-toi à côté! Regarde: ça!», dit-il en montrant au-dessus de sa tête les quelques centimètres qui lui manquent pour être à sa hauteur. Ils se sont reculés pour mieux se voir. C’est leur propre image que Simon et Louise regardent dans un miroir que le cadrage a fait passer hors-champ.

Cette séquence de «L’Enfant d’en haut» intervient au milieu du film, alors que la situation des deux personnages et leur relation peinent à être clairement définies. Simon est amusé par ce qu’il observe dans la glace, mais Louise reste impassible. Dans le geste du garçon, elle mesure certainement quantité d’enjeux familiaux que la cinéaste tarde très habilement à révéler au·à la spectateur·trice.

Louise baisse les yeux sur son petit frère et quitte finalement la salle de bain sans un mot. Demeuré seul, Simon reste pensif, soudain bien moins guilleret, lui aussi. Suivant le fil de ses pensées, il interpelle encore Louise, désormais hors-champ, en lui demandant comment elle l’a présenté à son nouveau mec, celui à la BM’ rouge: «Tu lui as dit quoi, pour moi?» – «Rien», s’entend-il répliquer. Réponse cinglante qui lui fait monter les larmes aux yeux…

A propos du film

Ours d’argent à Berlin en 2012, «L’Enfant d’en haut» se déroule en Valais, au creux d’une vallée et sur les hauteurs d’une station de ski friquée. A douze ans, Simon (Kacey Mottet Klein) mène une double vie. L’hiver venu, il quitte quotidiennement la plaine industrielle, où il habite avec Louise (Léa Seydoux), qu’il appelle «sister», pour emprunter la télécabine qui le mène dans une station de ski friquée.

Là-haut sur la montagne, alors qu’il ne sait pas skier, Simon s’invente une identité de gosse de riches. Déambulant l’air de rien dans ses grosses godasses de ski, il dérobe les lattes et autres accessoires de sport qu’il revend en bas, à vil prix, aux mômes de son immeuble. Sans travail, Louise profite de son trafic et en devient peu à peu dépendante… Avec une sensibilité bouleversante, la cinéaste suisse Ursula Meier dévoile la fracture sociale sur fond d’or blanc, faisant de son frêle protagoniste un «travailleur saisonnier» d’un genre inédit. Jouant magistralement entre le «haut», où tout semble n’être que luxe et volupté, et le «bas», boueux et crotté, la réalisatrice de «Home» file tout schuss une fable imparable sur l’inégalité et le manque d’amour.