«Le Rossignol de Sibérie»

S’il est un lieu où trouver des films réalisés «près de chez nous», c’est bien le DAV! Chargé par le canton de Neuchâtel de réunir, préserver et mettre en valeur le patrimoine audiovisuel régional, le Département audiovisuel de la Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds conserve une riche collection de films en tous genres qui ont pour dénominateur commun leur appartenance neuchâteloise.

Grâce aux possibilités numériques, il est désormais possible de voir ou revoir en ligne «Le Rossignol de Sibérie» (photo ©DAV), l’une des perles de la maison… Présenté en 1964 au Festival de Locarno et lors de la première édition des Journées de Soleure en 1966, ce film tourné en 16 mm est l’œuvre d’André Paratte (1931-2016), l’un des cinéastes neuchâtelois les plus prolifiques des dernières décennies.

Né à Saignelégier, cet ingénieur ETS de formation a grandi et vécu au Locle avant de s’installer à Chézard-Saint-Martin. Fasciné depuis toujours par l’image, il se fait remarquer dans les milieux du cinéma amateur grâce à «Miracle» (1959), un film 8 mm sonore et en couleur sur la faune et la flore du Jura. En 1968, il crée sa propre maison de production, Paratte-Films, avec laquelle il réalise de nombreuses commandes, en particulier pour la branche horlogère. Sa marque de fabrique: travailler dans l’intérêt du commanditaire, sans transiger sur le niveau d’exigence, tout en bénéficiant d’une certaine liberté…

Mais on doit aussi à André Paratte une œuvre cinématographique très personnelle, imprégnée de son profond amour de la nature. Sa riche filmographie nous fait voyager des contrées jurassiennes («La Grande Forêt», 1968) à l’Alaska («L’Eté du grizzli», 1994), des îles Falkland («Vents froids et manchots», 2005) à l’Island («Une Île au cœur chaud», 2011). Cinéaste complet, André Paratte était à la fois producteur, réalisateur, scénariste de ses films, caméraman, monteur… Cinéaste neuchâtelois? «Neuchâtelois disons, tout simplement», nous avait-il répondu avec la modestie qui le caractérisait tant.

A propos du film
Tourné en décembre 1963 aux Bayards, chez les luthiers Werner et Alex Jacot, «Le Rossignol de Sibérie» retrace la naissance d’un violon, du morceau de bois que l’on fait sécher jusqu’à la pose des cordes après la dernière couche de vernis. Ecrit, filmé, monté et réalisé par André Paratte, ce moyen-métrage offre au·à la spectateur·trice bien davantage que sa valeur documentaire déjà considérable… Avec la plus grande finesse, le film s’attarde sur le visage et les mains des deux artisans, aussi beaux à voir que leurs gestes sont sûrs. Taiseux (on n’entendra pas leur voix), les frères Jacot n’ont pas besoin de parler pour travailler: tout paraît si facile que l’instrument de musique semble «préexiste en ce bloc de bois et que l’outil ne fait que [le] dégager», comme l’énonce le commentaire qui sait parfaitement céder la place aux bruits des outils ou au silence de l’atelier. Magnifiée par le noir et blanc d’André Paratte, chaque image est aussi épurée que les lignes du violon. Un sublime poème hors du temps!
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