La douce valse helvético-portugaise

Entre le cinéma suisse et portugais s’est tissée une belle amitié. Elle s’illustre d’une part à travers les échanges qu’entretiennent la Cinémathèque suisse et la Cinemateca Portuguesa en organisant tour à tour, depuis plus de 30 ans, des rétrospectives rendant hommage à l’une et l’autre production nationale, d’autre part au Festival de Locarno où les cinéastes portugais ont été plusieurs fois mis à l’honneur, jusqu’à la consécration en 2019 de Pedro Costa, couronné du Léopard d’Or pour «Vitalina Varela». Dans la filmographie helvétique, l’ouest de la péninsule ibérique s’est aussi incarné à l’écran, notamment dans la «Ville blanche» d’Alain Tanner, où Lisbonne est magistralement photographiée, ou dans «Les Grandes Ondes (à l’Ouest)» de Lionel Baier, une fiction qui ranime la Révolution des Œillets. Ce lien est encore nourrit grâce aux cinéastes romand·es installé·es au Portugal que sont Basil Da Cunha («O Fim do mundo»), Maya Kosa et Sergio da Costa («L’Île aux oiseaux»), ou encore Jeanne Waltz.

Née à Bâle, Jeanne Waltz a grandi dans le canton de Neuchâtel où elle a passé son baccalauréat avant d’aller étudier le japonais à Berlin. Dès 1989, elle pose ses valises au Portugal et œuvre comme décoratrice sur les plateaux des meilleurs cinéastes portugais (Manoel de Oliveira, João César Monteiro…) puis comme scénariste, et coécrit «Das Tripas Coração» de Joaquim Pinto. En 1995, Jeanne Waltz réalise «La Couveuse», un premier court-métrage de fiction tourné au Portugal et présenté à Locarno . Par la suite, elle réalise plusieurs courts-métrages qu’elle produit alternativement en Suisse ou au Portugal («Morte Macaca», «O que te quero», «La Reine du coq à l’âne», «As terças da bailarina gorda», «A Tir-d’aile», «Agora Tu»).

Au nombre de deux, ses longs-métrages prennent pour décor Lisbonne d’abord («Daqui p’rá alegria», 2003) puis La Chaux-de-Fonds («Pas douce», 2007). Pour cette fable contemporaine qui lui a valu le Quartz du Meilleur scénario aux Prix du Cinéma suisse en 2008, Jeanne Waltz a été séduite par le paradoxe d’une «petite» ville construite en rase campagne sur le modèle de New York. La réalisatrice a fort bien perçu que ce cadre ferait un parfait écho à l’oppression de son personnage principal, interprété par Isild Le Besco, à qui un jeune Loclois d’origine portugaise, Steven de Almeida, donne la réplique.

Jeanne Waltz prépare un nouveau long-métrage, «Le Vent qui siffle dans les grues», adapté du roman de l’écrivaine portugaise Lídia Jorge.

A propos du film

«Pas douce»
Œuvrant en partie à l’étranger, Jeanne Waltz s’est forgé un style très personnel, brut, qui tranche sur la quiétude de la production suisse. Dans son deuxième long-métrage, elle met en place avec un art souverain les éléments d’une confrontation assez inouïe… Dans un coin de forêt isolée, Fred, une jeune femme qui ne sait plus que faire de son mal-être, rate son suicide mais, suite à un réflexe incontrôlé, blesse grièvement Marco, un adolescent de quatorze ans que le hasard a fait passer par là. Emmené à l’hôpital pour y faire soigner son genou, le gamin se retrouve face à Fred qui y travaille comme infirmière. De façon troublante, la jeune femme lui donne alors tous les indices nécessaires pour qu’il l’identifie comme l’auteur du coup de feu…
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