Que regarde Mia (Luna Wedler) depuis son canapé?

Les parents de Mia viennent de quitter le domicile pour le week-end. La voici seule dans le salon familial. D’abord filmée de dos, elle zappe, peu intéressée par ce qu’elle voit à la télé. Dans le plan suivant, dont est tiré ce photogramme, la caméra nous offre un angle légèrement différent sur la jeune fille. Un son, autre que celui de la télévision, se fait peu à peu entendre… A vrai dire, il est présent depuis le début de la séquence, et si nous ne l’avions pas tout de suite perçu, Mia, elle, n’en a pas perdu une miette: c’est le glouglou de l’aquarium.

Nous sommes aux deux tiers du film «Blue My Mind» de Lisa Brühlmann. Lorsque Mia tourne son visage sur le bord du canapé et regarde derrière elle, le·la spectateur·trice sait très bien ce qui se trame dans sa tête, car la scène s’est déjà produite plus tôt dans le récit…

Le plan suivant le confirme, révélant le raccord-regard pressenti – et redouté – sur l’aquarium et ses hôtes qui servent d’animaux domestiques à cette famille zurichoise bien rangée. Sans hésiter, Mia se lève, se dirige vers les poissons rouges et n’en fait qu’une bouchée! Cet acte, qui porte en lui une certaine monstruosité, n’est qu’un signe de plus attestant de l’étrange mutation que la jeune fille est en train de vivre et pour laquelle il n’y aura dès lors aucun retour en arrière…

A propos du film

Formée à la réalisation auprès de la ZHK après avoir débuté comme actrice, la Zurichoise Lisa Brühlmann a tout simplement raflé la mise aux Prix du cinéma suisse 2018 avec un premier long-métrage osé et dérangeant: sept fois nominé, «Blue My Mind» est reparti des Quartz auréolé de trois récompenses bien méritées, Meilleure fiction, Meilleur scénario et Meilleure interprétation féminine. Dans ce film qui pose les bases d’une vision artistique déjà très maîtrisée, Lisa Brühlmann a choisi le registre du fantastique pour explorer un thème qui lui est cher, le difficile passage de l’adolescence…

Mia (Luna Wedler), 15 ans, intègre une nouvelle école après avoir déménagé avec ses parents. Comme toutes les filles de son âge, son corps change et elle doit composer avec les bouleversements liés à l’adolescence. Mais Mia est confrontée à une métamorphose bien plus importante qui remet en question son existence entière… De même que la transformation marque profondément Mia, «Blue My Mind» trouble intensément son·sa spectateur·trice, à la fois inquiétée par la mystérieuse mutation du corps de la jeune fille, dérangée par sa monstruosité, séduite par les qualités esthétiques du film, apaisée peut-être par son caractère onirique et une forme de retour à la nature.