Wonder Wheel

Le quarante-septième long-métrage de Woody Allen pourrait bien être son dernier. Confronté à des accusations gravissimes portées contre lui par l’une de ses filles adoptives, le cinéaste new-yorkais risque fort d’être lâché par ses investisseurs, à commencer par le géant Amazon qui a produit et distribué ses deux derniers films en date. En trouver d’autres risque d’être ardu. Pour les financeurs, Allen est attractif par sa capacité à attirer des actrices et acteurs célèbres, à bâtir une affiche de choix autour de son seul nom. Or, dernières révélations obligent, les stars commencent à le juger peu fréquentable.

De tout cela, le film «Wonder Wheel» n’en parle pas, du moins pas directement, mais la famille recomposée décomposée qui l’habite ne laisse pas d’interpeller. Idem pour la noirceur désespérée de son propos, laquelle n’échappera à personne. On le sait, Allen maîtrise l’art de la cruauté mouchetée et il en fait ici merveilleusement usage… Nous sommes en 1958, à New York. Confinée dans l’effervescence tapageuse d’un parc d’attractions de Coney Island sur le déclin, Ginny (Kate Winslet) est une ex-actrice reconvertie en serveuse, sujette à des migraines à répétition. Mère d’un jeune ado pyromane, fruit d’une première union, elle s’est remariée avec Humpty (Jim Belushi), propriétaire sevré d’alcool d’un manège qui n’attire plus les foules.

Dès qu’elle en a l’occasion, Ginny court se régénérer dans les bras consolateurs de Mickey (Justin Timberlake), sémillant maître-nageur aspirant à devenir écrivain, jusqu’au jour où débarque Carolina (Juno Temple), la fille de Humpty, née d’un premier mariage. Epouse immature d’un caïd de la mafia, cette très séduisante jeune femme vient de balancer ce dernier au FBI et elle craint à très juste titre pour sa vie! N’en disons pas plus, sinon que tous les éléments de la dramédie chère au réalisateur de «Ombres et brouillard» sont en place, et que sa fine mécanique est implacable.

Incarnant Ginny, Kate Winslet est renversante tant elle interprète à la perfection le rôle le plus difficile qui soit, celui d’une actrice ratée qui ne peut se résoudre à accepter sa médiocrité. Feindre de mal jouer exige en effet une maîtrise absolue. En proie à une jalousie pourtant mortifère, l’actrice fait preuve d’une humanité bouleversante. On ne peut que l’aimer!

de Woody Allen
Etats-Unis, 2017, 1h41