Vol spécial

En présence du réalisateur | Locarno 2011, Prix du Jury Œcuménique et Prix du Jury des jeunes
de Fernand Melgar |

Après «La Forteresse» (2008), le cinéaste Fernand Melgar persiste et signe pour le plus grand bien de notre démocratie. Cette fois, le réalisateur a choisi de nous claustrer dans le centre de détention administrative de Frambois à Genève, histoire de nous montrer «en face» les conséquences dramatiques de certains votes populaires! C’est dans ce genre de prison «soft» que les réfugiés déboutés, assimilés à de vulgaires délinquants, attendent parfois jusqu’à vingt-quatre mois d’être renvoyés dans leur pays d’origine. Enfermés, ils ont le choix entre prendre l’avion du retour de leur plein gré ou s’y refuser et dès lors s’exposer à l’humiliation violente et dangereuse du «vol spécial». Dans ce cul-de-sac désespérant, le personnel plein de bonne volonté du centre s’efforce de dédramatiser la situation et s’enfonce de ce fait dans un déni absurde et cruel de la réalité. Ce décalage tragicomique constitue l’un des aspects les plus terribles de ce film noir, empli d’une détresse humaine qui procède d’un système froidement déterminé et non d’une catastrophe, d’un conflit ou d’une famine. Lui accoler le terme «fasciste», comme l’a fait le Président du Jury du Festival de Locarno, sous le prétexte que son auteur aurait mis à égalité les détenus et les gardiens, constitue un non-sens, car c’est justement de cette confrontation que «Vol spécial» tire toute sa pertinence inconfortable.
Suisse, 2011, couleur, 1h43, programme n°170