Une Famille syrienne

A ce jour, la guerre civile qui ensanglante la Syrie n’a que peu suscité l’intérêt des cinéastes, exception faite de «Eau argentée» (2014), un essai documentaire bouleversant signé Ossama Mohammed. Réalisateur d’un premier long-métrage de fiction, «Le jour où Dieu est parti en voyage» (2009), qui décrivait les derniers jours d’une femme Tutsi victime du génocide rwandais, le cinéaste belge Philippe Van Leeuw sait combien la restitution d’un réel trop insoutenable n’incline guère à l’empathie!

Pour tenter d’éveiller les consciences, il emprunte derechef le chemin de la fiction avec «Une famille syrienne», ce qui lui permet de moduler le caractère insupportable de son propos qu’il n’édulcore pas pour autant. Tourné à Beyrouth, pour des raisons faciles à comprendre, son film situe son action à Damas, aux premiers mois du conflit, dans un immeuble habité par la grande-bourgeoisie damascène opposée à Bachar El-Assad. Recluse avec sa bonne sri-lankaise, Oum Hazam, une mère de famille pugnace (Hiam Abbass toujours aussi engagée), organise la vie de ses enfants. Par solidarité, elle a recueilli chez elle un couple de voisins et leur bébé, dont l’appartement a été éventré par un obus.

Femmes et enfants apprennent dès lors à (sur)vivre sous le régime anxiogène de la peur, de la pénurie et de la promiscuité. Sous nos yeux, ils deviennent de vrais personnages qu’il nous sera difficile d’inscrire au registre des victimes anonymes d’une guerre lointaine. Pari gagné pour Philippe Van Leeuw: nous savons désormais au plus profond ce qui a mis en mouvement tous ces réfugiés syriens qui nous embarrassent tant.

de Philippe Van Leeuw
Belgique/France, 2017, 1h26